Pour Jean-Louis Bianco, « Charlie Hebdo est pire que le rappeur Médine. » C’est en effet ce qu’il a affirmé au micro de France Culture vendredi 5 janvier 2016.
On a envie de lui répondre que la plupart de ceux qui ont fait ce journal ne sont plus en vie et ne peuvent donc plus se défendre et le renvoyer ainsi à son indécence et à son inhumanité, Mais je ne suis même pas sûre que cela ferait taire ce triste sire.
Pour mémoire, le rappeur Médine, dont le nom fait référence à l’Islam de Médine, un Islam clairement politique, guerrier et violent, appelle tout tranquillement à crucifier les laïcards, à instaurer la charia et est inaccessible au second degré. Pas d’humour chez lui, c’est un militant, qui diffuse son idéologie via le rap. Il est toujours aux côté de ceux pour qui la République est un ennemi à abattre et ne s’en cache pas. Il a Tariq Ramadan pour référence et affiche un look de salafiste décomplexé pour qui pourrait encore avoir des doutes. Il influence beaucoup de jeunes, ciblant une clientèle facile, peu cultivée et dépourvue de sens critique, ce qui lui offre une vaste zone de chalandise dans certains quartiers…
Charlie, lui, est un journal satirique. Il peut franchement tomber dans le mauvais goût, c’est même une de ses marques de fabrique. Ceux qui en sont les lecteurs comprennent et décryptent cet humour ravageur et irrespectueux. Ceux qui sont Charlie ne partagent pas forcément la ligne du journal mais pensent que cet humour dévastateur doit avoir sa place dans une société ouverte. D’autres ne comprennent pas cette forme d’humour et s’indignent de dessins qu’ils trouvent choquants et qui peuvent l’être, car ils oublient ce qu’est la satire, son rôle et son côté gargantuesque, mais ceux- là n’ont parfois pas les outils intellectuels pour faire ces distinctions. Ce n’est pas le cas de Jean-Louis Bianco.
Médine est un islamiste, les journalistes de Charlie sont des démocrates, jamais je ne renverrai dos à dos, un propagandiste salafiste comme Médine et des esprits libres comme Charlie.
Là où Médine appelle à la haine contre des individus, désignés ; Charlie bouscule des symboles, des vaches sacrées et des institutions. Là où le premier fait de l’argent en s’attaquant dans ses textes à ce que nous sommes ; les seconds ont vu la plupart des leurs mourir parce qu’ils portaient haut un idéal de liberté, de laïcité, une certaine idée de la République et que face à la lâcheté du discours des politiques professionnels, ils incarnaient plus ces principes que ne le font bon nombre de nos représentants. Ils sont devenus, du coup, des cibles politiques.
Jean-Louis Bianco a toute la culture et l’expérience pour faire preuve de discernement. En faisant cet amalgame, plus que douteux, il révèle sa véritable position : il n’est pas Charlie, ne l’a jamais été. Il a choisi son camp, et ce n’est pas celui de la République laïque.
Pour notre pays, pour nous, et peut-être même pour lui, Jean-Louis Bianco doit partir avant que de se discréditer totalement. Nous affrontons des temps difficiles et violents. Nous savons que la question n’est pas si la violence islamiste va encore frapper, mais quand va t’elle le faire. Notre laïcité est clairement la cible à la fois de l’Etat islamique et des islamistes dits quiétistes, nous avons besoin qu’elle soit portée et défendue, et non trahie et abandonnée par les institutions censées la défendre.
Mais bon, ce n’est pas comme si les temps n’appelaient pas au sursaut républicain, ce n’est pas comme si nous étions en situation de guerre et sous le coup de l’état d’urgence, ce n’est pas comme si les Français n’étaient pas de plus en plus affolés par la déconnexion totale de leur élite avec la réalité… Ce n’est pas comme si les Français attendait d’un Président, dans les heures sombres, courage, capacité à trancher et clarté dans les positionnements… Car en la matière, si la clarification est de plus en plus nécessaire, il semble qu’elle n’aura malheureusement pas lieu. Aux intérêts du pays, on préfère les logiques de caste qui consistent à laisser en place des personnes qui abîment leur fonction. Quand un pays va bien, c’est déjà dommageable ; quand il est attaqué, c’est irresponsable.