Issus d’une famille d’origine modeste, mes parents ont construit leur ascension sociale grâce à l’école de la République et à la conscience qu’avaient leurs propres parents que l’investissement dans l’éducation serait la clé d’une intégration réussie à la société.

Conscients des opportunités que l’époque leur avait offertes, comme de celles que leur propre travail leur avait données, mon père et ma mère ont su me transmettre cette exigence qui mêle engagement intellectuel, quête de sens et de justice sociale, mais aussi responsabilité individuelle et collective. Pour eux, ne juger les hommes que sur leurs actions et ne jamais les réduire à une appartenance sexuelle, ethnique ou confessionnelle est une évidence ; défendre l’égalité des droits à raison de notre humanité commune, un principe indépassable  ; vouloir donner aux hommes les moyens de leur émancipation, l’honneur de la politique et transmettre ce que l’on reçoit et que l’on apprend, fait la grandeur d’une vie d’homme.

C’est en arrivant à Paris en 1993 pour poursuivre mes études que je me suis engagée en politique. À gauche. Mon engagement est longtemps resté purement militant. J’aimais être dans l’ombre, n’étais guère douée comme apparatchik et je préférais travailler sur la stratégie politique et sur le fond plutôt que de me battre pour être désignée candidate.

Voilà pourquoi c’est seulement au bout de 15 ans d’engagement que j’ai exercé mon premier mandat. Et il était modeste : je suis devenue en 2008 adjointe au maire de Jouy-le-Moutier. En 2010, j’ai été élue conseillère régionale.

Cette expérience d’élue m’a permis de prendre conscience de beaucoup de choses, car elle vous met en prise directe avec le réel. Autant ce mandat d’adjointe au maire m’a permis de réaliser de beaux projets grâce à la compétence et à l’intelligence humaine des fonctionnaires avec qui j’ai travaillé  ; autant déjà la médiocrité du milieu politique local et le côté malsain et violent des rapports humains dans ce petit monde d’apparatchiks où l’entre-soi règne en maître, a commencé à me poser question, puis assez rapidement problème. Tout comme ma liberté de penser, et de ton, ainsi que les idées que je défendais, indisposaient de plus en plus les dirigeants locaux du PS.

Il faut dire que c’est sur le terrain que j’ai découvert à quel point le clientélisme était devenu le b.a.-ba de la stratégie politique et que les grandes idées n’étaient que la dorure de la pilule pour faire avaler le traitement au patient.

Ce clientélisme, que je dénonce aujourd’hui publiquement, je l’ai vu fonctionner, comme une machine bien huilée. On me l’a souvent opposé pour me faire taire, car en réalité ce système est devenu le plus sûr moyen, faute de projets ou d’idées, pour gagner des élections.

Ce fut pour moi un deuxième éveil politique, mais paradoxalement, là où la première prise de conscience m’amenait naturellement à m’engager dans un parti, la seconde m’en a exclue de fait. Au-delà de ma personne, j’ai pris conscience du danger que nous faisaient courir collectivement ces pratiques, qui tout en prônant la défense des idéaux républicains, bradent nos libertés publiques pour un plan de carrière.

Ayant décidé de ne plus solliciter de mandats au nom d’un parti, dans lequel je ne me reconnaissais plus, je ne me suis pas représentée en 2014 aux Municipales. J’étais en dernière position sur la liste pour ne pas faire de buzz avec un départ fracassant et n’avais donc aucune chance d’être élue. Quand l’affaire du salon dit musulman de Pontoise éclate et braque les projecteurs sur moi, j’avais déjà dit que je ne me présenterais pas aux Régionales et n’avais donc pas posé ma candidature en interne. En effet, je ne me voyais pas sur une liste menée au niveau départemental comme régional par des personnes peu dignes de représenter notre pays : on est responsable des personnes à qui l’on donne le pouvoir.

Comme je suis quelqu’un de respectueux des règles du jeu, j’ai d’abord tenté de changer les choses de l’intérieur. Cela m’a valu d’être traitée de raciste ou de suppôt du FN. J’ai alors choisi de rendre mes mandats. Pas pour reprendre ma liberté d’action et de parole : j’étais consciente que la parole d’une ancienne conseillère régionale n’intéressait personne et je n’ai pas un ego si enflé qu’il ne me dérobe la réalité. Je pensais simplement que je serais plus utile au collectif en m’investissant dans l’associatif plutôt qu’en continuant à œuvrer pour un parti qui se trahissait lui-même. Mon intervention sur le salon de Pontoise aurait donc dû être mon chant du cygne, mon dernier acte d’élue et comme tous les chants du cygne, il n’aurait dû être entendu par personne… Mais ce n’est pas ce qui s’est passé et ma parole a continué à porter une fois le fait divers clos.

La situation était pour le moins paradoxale : c’est au moment où je décide de quitter la politique que ma parole commence à faire sens et à résonner. Et c’est en quittant mon parti et mes mandats que je me sens enfin utile politiquement…

À cette occasion, le nombre important de messages que j’ai reçu m’a fait prendre conscience de l’immense désir de politique de notre peuple. Il m’a permis de réaliser que si nombre de citoyens ont arrêté de voter, ce n’est pas faute d’être concernés, mais faute d’offre politique qui leur corresponde et d’hommes et de femmes intègres, compétents et courageux pour les porter. Ils ne sont plus dupes d’un discours au niveau national qui aligne les mots-valises à grand coup de vivre ensemble, de respect de l’autre et d’injonction à la tolérance, tandis que la réalité dans les villes difficiles s’écrit à coup de lâcheté face au communautarisme, de démission face aux provocations islamistes, de déni face aux pressions que subissent les femmes dans certains quartiers et de refus de reconnaître la progression d’un antisémitisme culturel et décomplexé.

C’est de ce constat qu’est né mon livre, « Silence coupable », c’est de ce constat qu’est née ma décision de créer un mouvement citoyen pour rendre l’envie de s’engager et de peser sur le débat politique à cette majorité d’hommes et de femmes qui ont arrêté de voter alors qu’ils ont envie de donner. Nous sommes politiquement à la croisée des chemins, il y a en France une société civile admirable et qui ne demande qu’à se battre contre ces pratiques. Las, celle-ci n’a pas la classe politique qu’elle mérite et c’est cela qu’il faut changer  !