« La République nous rassemble, elle nous grandit. Menacée, elle nous appelle ! »

Céline Pina et Jean-Marc Pasquet : « Laïcité en banlieue, pour en finir avec le laisser-faire et l’antiracisme de pacotille »

Tribunes

Céline Pina est ancienne conseillère régionale (PS) d’Ile-de-France.
Jean-Marc Pasquet est élu écologiste et président du think tank Novo Ideo.

Pour une nouvelle étape laïque des politiques publiques

Dans la « crise des ordures » au Liban, des collectifs citoyens pointent la corruption et l’incurie des pouvoirs publics. Le traitement des déchets est paralysé par une gestion clientéliste. Les conflits d’intérêts entre ethnies ponctuent les choix des territoires pour accueillir les décharges. Ils déterminent les politiques d’embauche. « Vous puez ! « . Ainsi se nomment les « indignés » du pays du Cèdre, menacés par une crise sanitaire majeure. Munis de raclettes et de balais-brosses, les manifestants de Beyrouth revendiquent désormais la laïcité comme une valeur d’efficacité des politiques publiques.

En France, dans les quartiers les plus en déshérence et les moins mélangés, des discours aux tonalités républicaines du dimanche précèdent les lundis des concessions. L’opium du peuple et les trafics en tous genre prospèrent pour fluidifier le terrain que l’action publique a abandonné. Pour masquer un objectif purement électoraliste, des élus de courte vue soulignent leur désengagement d’un vernis tiers-mondiste. En écho à des intellectuels jamais en reste sur le refus de l’universalisme, ils mythifient une « diversité ». A leurs yeux, elle n’est que le refus du commun via l’hystérisation de la différence et dont ils souhaitent par dessus tout protéger leurs proches. En contrepartie, ils ont cédé à l’illusion d’une paix sociale factice au prix d’un laisser-faire oppressif fait d’archaïsmes culturels. En quelques décennies se sont constituées sous nos yeux de petites baronnies féodales avec leurs cadres intermédiaires qui font voter par paquets. Les critères de l’intervention publique se sont dissout dans une délégation de service public, sans et surtout hors de contrôle. Ultime rempart face à la corruption, le contrôle de légalité manque de réactivité et le statut juridique des lanceurs d’alerte peine à s’inscrire dans notre droit.

Plutôt que d’ouvrir leurs carnets d’adresses ou de travailler sur ce qui fait ciment commun par le dépassement des particularismes, la cohorte d’alliés objectifs et d’ « idiots utiles » des islamistes détruit l’intérêt général et le privatise au nom de la reconnaissance des communautés, dans leur acceptation la plus étriquée. Dans cette tourbe, des intellectuels arborent un antiracisme de pacotille. Il peine à masquer un racisme social récurrent. Car l’immigré est cet « autre », à jamais insensible à l’émancipation, incapable d’aller vers le commun, porte-drapeau de son irréductible différence et le miroir déformant de cette France populaire qu’ils ne fréquentent plus.

Toujours autre, jamais des nôtres.

C’est la prothèse idéale de leur culpabilité de classe lavée à l’eau boueuse des dogmes. Un masque derrière lequel ils articulent une pratique séparatiste résidentielle féroce où les déterminismes sociaux induisent ségrégation sociale, difficulté d’accès à l’emploi, enfermement identitaire.

La pression que fait peser le FN sur les prochaines présidentielles place le décideur politique dans un entonnoir à deux voies de sorties. Ou il répond à cette crise démocratique historique en parachevant le « compartimentage » de la société française. Cette communautarisation résidentielle des territoires apportera la garantie de l’entre soi, racial et culturel. Celle-ci prendra une double forme. Dans les quartiers riches, elle accélèrera la gentrification, en prise avec une mondialisation gagnante. Dans les quartiers pauvres, une ghettoïsation accrue de laissés pour compte, de citoyens aux droits inférieurs, relégués dans les zones périphériques auxquelles on concède un certain niveau d’autorégulation. Cette voie porte atteinte au projet même de vivre en commun dans une démocratie libérale et une société ouverte. Elle a l’avantage de la facilité. Elle a également la préférence de ceux qui ont peu ou prou tiré un trait sur les politiques redistributives. La mise en valeur de minorités visibles pour faire bien sur la photo ne remet pas en cause les positions sociales relatives de départ qui structurent les parcours. Mais à l’arrivée, elle flatte une certaine bien-pensance qui satisfait là son tropisme de la diversité à faible coût. C’est la voie de l’essentialisation ethnique et du libéralisme économique total.

L’autre issue est plus délicate à emprunter. Il s’agit de donner une réponse originale à l’équation pluriculturelle d’une société laïque chapeautée par un Etat social. Elle suppose de donner à chacun l’opportunité d’une vie désirable : en brisant les plafonds de verre qui bloquent l’émancipation et renforcent l’assignation. Elle s’appuie sur la société civile, dans toute sa variété, pour qui les communautés sont des lieux de partage et de transition. Elle est en rupture avec l’économie de rente qui confond mérite et héritage. Car c’est bien là l’enjeu du nouveau défi républicain : permettre à chacun de faire le tri, dans l’héritage lié à ses origines, entre les principes et idéaux qui permettent de créer ensemble une société d’égaux au nom du partage d’une humanité commune, de celles qui ne visent qu’à enfermer l’homme dans ces « identités meurtrières ». Elles font le lit du pouvoir de ceux qui utilisent la référence à Dieu pour soumettre les hommes, avant tout, à leur domination personnelle.

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