Il y a quelques jours, Afrin est tombée. Et pendant que les turcs pataugent dans le sang des kurdes, notre gouvernement et l’Europe voient ses alliés se faire massacrer sans état d’âme.
Il faut dire qu’en confiant au frère musulman Erdogan, allié à des bandes islamistes hâtivement rebaptisées « rebelles syriens » pour mieux faire passer l’épuration ethnique en cours pour une aventure révolutionnaire décoiffante, les démocraties occidentales savaient qu’elles donnaient leur blanc-seing à un massacre. Et comme ce n’est pas tout de laisser tuer hommes, femmes et enfants sans même exprimer un regret, nos politiques se sont mobilisés pour préserver l’essentiel : leur propre image et les prochaines élections. C’est ainsi que le Président Macron, son ministre Le Drian et le porte-parole du lot, Christophe Castaner ont justifié d’avance toutes les exactions en collant aux kurdes du Rojava, égalitaires et en quête d’un nouveau modèle de société, une étiquette de terroriste. c’était accorder un permis de massacrer à Erdogan en bonne et due forme.
Je n’aurais jamais cru que je déplorerai un jour la fin des ces communiqués indignés émanant de la « communauté internationale » ou des grands dirigeants de nos démocraties et pourtant… Au-delà de leur hypocrisie, ils montraient qu’il nous restait encore une morale, la conscience que parfois, en n’agissant pas, nous commettions le mal et que nous le savions. Aujourd’hui nos dirigeants n’ont même plus cette ultime forme d’honnêteté ou de conscience et tuent symboliquement avant de fermer les yeux sur les massacres réels.
Le pire c’est que ceux qu’ils traitent ainsi, crachant sur leur mémoire avant de les livrer aux armes de leurs ennemis, sont ceux qui ont fait tomber l’Etat islamique sur le terrain. On ne gagne pas une guerre à distance. A un moment il faut aller sur le terrain, nettoyer rues par rues, maisons par maisons. Et c’est là que l’on essuie les pertes les plus lourdes.
Ce travail-là les kurdes l’ont fait. Pour les remercier, nous les avons livrés à leur pire ennemi et nous lui avons serré la main sous les flashs des photographes. Oubliant au passage que s’il y avait un Califat en train de réussir, il est aujourd’hui en Turquie. Notre cynisme de court terme nous fait cajoler notre pire ennemi.
La situation est d’autant plus tragique que rien n’est stabilisé en Syrie, Irak, Libye. Au delà de la tyrannie qu’Erdogan exerce aux portes de l’Europe, des succédanés d’Etat islamique peuvent ressurgir sur ces territoires et ceux-ci n’ont pas fini d’être des fournisseurs officiels de terroristes, comme les diffuseurs de leur idéologie totalitaire et meurtrière. L’histoire n’est pas finie. Mais quels alliés seront encore assez fous pour combattre aux côtés d’Etats qui croient que la trahison et le calcul à court terme est une preuve de réalisme et d’efficacité ?
Non seulement l’attitude de notre Président sur ce dossier ne le grandit pas moralement, mais c’est un calcul stupide. Or la réal politik est censée s’asseoir sur la morale au nom de l’efficacité. Quand on choisit le déshonneur sans que cela change quoi que ce soit sur la menace que l’on subit, voire quand cela conforte son ennemi, normal que l’on finisse par cristalliser une certaine défiance de la part des siens.
Sacrifier ses alliés, gratuitement, c’est envoyer un message aux siens peu rassurant. Nous avons tous donné, en tant que citoyen, une part de notre souveraineté à nos dirigeants en échange de notre protection collective. Or alors que l’islamisme dans sa version sanglante tue chez nous et hors de chez nous, que l’islamisme dans sa version entrisme, noyautage et conquête de pouvoir par voie légale, s’attaque aux fondamentaux de notre société et de notre organisation politique, nous livrons nos frères d’armes à ceux qui professent la même idéologie que ceux qui nous tuent et veulent détruire ce que nous représentons en tant que nation. Ce n’est guère rassurant pour notre avenir ni pour notre sécurité. Nous sommes sans doute bien plus Afrin que nous ne l’imaginons…