Or en rapprochant le terme « symbolique » de celui d' »inefficace », le premier ministre illustre la limite de notre représentation politique : pour elle, le symbolique n’est que la monnaie de singe de l’action véritable, son simulacre ; or le symbole en politique est essentiel, il est signifiant, a un pouvoir rassembleur et identificateur certain, il signe l’appartenance et l’adhésion. Il est emblème et échange, c’est ce qui en fait un levier si important pour mobiliser une population ou un groupe. Or là, le symbole n’est utilisé que pour donner l’illusion du pouvoir. Ceux qui le détiennent n’en attendent rien en terme de résultats et ne s’en cachent même pas.
Le problème c’est que cette annonce a déjà eu des effets symboliques indésirables. L’impossibilité de créer des apatrides en droit international conduit à réserver cette mesure aux seuls binationaux, entraînant une rupture de fait entre titulaires de la nationalité française : certains peuvent perdre leur nationalité, d’autres en sont préservés.
En une période où les divisions au sein de notre société sont patentes, une telle mesure ne peut que contribuer à alimenter la suspicion. D’autant que la bi-nationalité est souvent l’apanage des Français issus de l’immigration. Trouver la cohérence entre un « padamalgame » ridicule qui interdit de dire la réalité de la tentative de déstabilisation islamiste sur notre sol, et une mesure qui en vient à désigner les Français les plus récents comme facteurs de troubles potentiels, relève du grand art. Et pourtant c’est au nom d’une cohérence revendiquée dans l’action gouvernementale que la mesure est défendue.
Las, cette cohérence ne s’inscrit pas dans la confrontation entre la parole et le réel, l’idéal et le concret, le projet et sa mise en œuvre. Non, elle est repliée sur elle-même et autoréférencée : alors que nous sommes en guerre, l’urgence pour notre gouvernement est de ne pas donner l’impression que le président se déjuge entre le discours du congrès et le conseil des ministres. Pour porter la fable d’une parole présidentielle utile, toutes les autres questions sont évacuée s: efficacité de la mesure, réciprocité (accueillerons nous à bras ouvert un franco-algérien qui aurait commis un attentat et aurait été déchu de sa nationalité algérienne ? ), impact sur notre citoyenneté…
Le problème c’est que refuser de penser les conséquences de ses actes, au nom d’une posture d’autorité qui confine à la revendication d’infaillibilité, renforce rarement la crédibilité des politiques, elle ne fait que souligner leur superficialité.Pour autant, enfourcher le cheval de la forfaiture pour dénoncer la proposition du président de la République me paraît aussi ridicule qu’exagéré. Passons sur ces députés qui proposaient une telle mesure pour les exilés fiscaux par exemple et qui essaient de faire le buzz en hurlant au scandale et à l’infamie. Passons également sur ces leaders politiques qui ont fait des scores désastreux aux dernières régionales, se sont vendus pour trouver des places sur des listes socialistes, afin de conserver les privilèges et avantages de la fonction d’élu, et qui essaient de se refaire une virginité politique en hurlant à la trahison, alors qu’ils soutiennent depuis des années ceux qui ensemencent la tête des futurs djihadistes : les Tariq Ramadan, Marwan Muhammad et autres représentants de l’UOIF.
Recevoir des leçons de dignité des Cécile Duflot et autres Clémentine Autain, qui ont soutenu toutes les initiatives racistes et essentialistes du PIR, du CCIF et des frères musulmans et comptent sur cette mesure pour continuer à délivrer des brevets de gauche et à accuser de racisme tous ceux qui défendent notre république, serait du dernier ridicule.En effet, il n’est pas illégitime de penser qu’un homme qui refuse les principes et idéaux qui fondent notre Nation et commet des actes monstrueux, se met au ban de la société et ne devrait plus avoir accès à notre solidarité nationale. Je ne vois rien de choquant ou de blâmable là-dedans. Réfléchissons alors à une procédure d’indignité, ou de dégradation mais ne créons pas deux catégories de Français au regard de l’acquisition de la nationalité.
Plus que ce type de mesure, une vraie police de proximité, une priorité apportée au travail de renseignement dans les quartiers, l’exigence de prêche uniquement en français dans les mosquées, la sanction immédiate des dérives islamistes chez les imams et dans le monde associatif, l’arrêt de la complaisance qui permet à un Erdogan de faire des meetings où il bafoue nos valeurs sur notre propre sol et celle qui fait du Suisse Tariq Ramadan un permanent du cirque islamiste en France, aurait un impact réel et prouverait l’engagement du gouvernement.
Moins coûteux encore, mais tout aussi efficace : arrêter le discours de victimisation qui enferme une partie de la jeunesse dans l’aigreur et la frustration et ne l’aide pas à s’emparer des leviers éducatifs et sociaux qui lui sont offerts ; rendre à la république et à la laïcité leur dimension spirituelle et redonner le goût de l’égalité et le sens de nos libertés à tous les citoyens. Retrouvons l’envie de parler d’émancipation et d’intégration, combattons ces aliénations qui sous couvert de religion et de tradition font de l’oppression et de la violence, le cœur de l’action politique. Nos principes et nos idéaux sont beaux qui ont fait du petit pays qu’est la France, une nation qui rayonnait car elle portait une certaine idée de l’homme et la conscience de l’universalité de certaines valeurs. Etre Français c’est aussi et surtout cela, et cela oblige.
Si ce qui pose problème est la question d’une double allégeance, lorsqu’elle suppose l’adhésion à des principes incompatibles : pays prônant le refus de l’égalité femmes/hommes, droits et statuts différent des personnes selon leur confession, absence d’habeas corpus… Alors discutons du bien-fondé de la double nationalité. Mais pas dans la précipitation, ni sous le coup de l’émotion et encore moins sous les ors feutrés de la représentation nationale, mettons ce débat sur la place publique et donnons-lui du temps. Toucher les consciences et modifier les mentalités ne se décrète pas, cela se construit et prendre le temps du débat est une condition de la réussite. Mais ce débat ne concerne pas que quelques happy few et ne saurait se cantonner à un échange entre parlementaires.
D’abord parce que la représentation nationale porte bien son nom, le problème c’est que dans le théâtre du parlement, il n’y a plus de spectateurs et que les débats ne rayonnent que si d’autres s’en emparent. Or, tout comme le gouvernement de la France, ne devrait pas être utilisé pour gérer les querelles de chapelle des partis de gauche, la loi n’est pas là pour empêcher tout débat dans le pays. La politique ne passe pas que par la loi. Dans sa dimension symbolique, c’est aussi un verbe créateur. Et si nos élus ne savent plus la faire aimer, s’ils en ont perdu jusqu’au sens, rien d’étonnant à ce que nous ayons autant d’enfants et de territoires perdus dans notre République, nous les avons bien souvent abandonnés aux seules mains des islamistes et eux ont su leur transmettre leur culture de mort.
Notre culture républicaine est belle. N’ayant pas honte de la transmettre: elle peut empêcher nos enfants de finir en monstres ou en victimes de ces monstres.
Tribune parue dans le Hufington post