« Il nous faut plus que jamais faire le choix de l’humanisme. »

Droits des femmes et islam radical : pour Ségolène Royal, c’est « Circulez, il n’y a rien à voir… »

Tribunes

« La laïcité, il y a d’autres priorités sur le droit des femmes » estime Ségolène Royal, mercredi 3 février sur l’antenne de France Inter. Une réponse sèche et lapidaire qui renvoie au désormais célèbre « La France n’a pas de problème avec sa laïcité » de Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité et tacle sans élégance la prise de parole pourtant courageuse et claire de la secrétaire d’État au droit des femmes, Pascale Boistard, laquelle dénonçait dans Marianne l’existence de zones sur notre territoire « où les femmes ne sont pas acceptées » et faisait le lien entre la nécessité de reprendre la lutte pour les droits des femmes en parallèle de celle pour la laïcité.

Or, pour qui accepte de regarder la réalité en face, c’est pourtant un fait que sur notre territoire, les droits de certaines femmes ne sont plus garantis partout, ni de la même façon. C’est aussi un fait qu’il existe une tension entre notre laïcité, qui fait tous les êtres humains égaux devant la loi, et les revendications d’un islamisme politique, pour qui les droits ne sont pas liés à notre humanité commune, mais sont différents selon l’appartenance confessionnelle, le sexe, l’appartenance ethnique, les orientations sexuelles ou les options philosophiques.

On sent bien que ce qui se joue dans cet affrontement larvé entre la ministre de l’environnement et ancienne candidate à la présidente de la République et la secrétaire d’état aux droits des femmes c’est la prise de conscience de nos représentants politiques de l’importance de la crise culturelle que nous traversons et de ses effets délétères sur notre société. Or, alors que d’après notre président, nous sommes en guerre et que les dangers que nous avons à affronter impliquent que soit mis en place l’état d’urgence, on a l’impression que si la société civile a pris la mesure du danger, certains dans le microscosme gouvernemental s’enfoncent dans la culture du déni et ne prennent pas la mesure du danger et des obligations qui en découlent. C’est d’autant plus regrettable que ce faisant ils affaiblissent le discours lucide et construit du Premier Ministre sur ces questions et envoient des signes de faiblesse au plus haut niveau de l’État.

Or quand L’État Islamique a diffusé son magazine en ligne, Dar-Al-Islam, il a clairement désigné son ennemi: la laïcité et l’école. Et nul n’ignore à quel point le refus de l’égalité entre hommes et femmes et la pression mise sur le voile pour effacer les femmes de l’espace public sont les marqueurs de la pénétration des idées politiques des fondamentalistes dans les quartiers et dans les têtes. Rien de cela n’est nouveau, depuis des années Gilles Kepel, Caroline Fourest, Mohamed Sifaoui, Waleed Al Husseini, Djemila Benhabib, Wassyla Tamzali… dissèquent les stratégies des islamistes et tirent l’alarme sur le recul de certains droits fondamentaux sur notre territoire et ceux des femmes en première ligne, comme sur le peu de réaction que des atteintes pourtant graves aux principes et idéaux républicains, suscitent.

La polémique autour de l’Observatoire de la laïcité n’est ni mesquine ni anecdotique, elle est fondamentale. La question de fond qui la sous-tend est précise: souhaitons-nous nous battre pour nos principes républicains (égalité des droits, laïcité, socle des libertés publiques, solidarité sociale) ou nous engageons-nous dans la voie des accommodements raisonnables en commençant par sacrifier l’égalité femmes-hommes au nom de la reconnaissance de la primauté de certains principes religieux sur la loi des hommes ? C’est cette question qui est devant nous, c’est celle que pose clairement l’islamisme politique, c’est au nom de cette volonté d’instaurer la primauté de la religion sur la loi que certains des nôtres sont tombés les 7, 8, 9 janvier et 13 novembre 2015.

Combien faudra-t-il encore de violences pour que certaines paupières se dessillent ?  Et ce prix à payer n’est-il pas trop lourd, alors que le sang a coulé à maintes reprises et que nous sommes conscients que notre salut collectif dépend de la profondeur des prises de conscience de ceux qui nous dirigent ? 

Que Ségolène Royal et Jean-Louis Bianco aient des liens forts, que l’amitié puisse exister en politique n’est pas en soi à déplorer, au contraire. Cela doit pouvoir aider à supporter la lourdeur de la charge lorsque le pays est meurtri. La fidélité en amitié est donc une belle chose, mais elle n’excuse pas l’aveuglement, encore moins le fait de privilégier la logique de caste à l’intérêt général. Lorsqu’on est un ministre, que l’on représente la France, que l’on détient une part de l’avenir des Français, c’est envers eux, avant tout, que l’on est engagé. L’amitié ne doit pas être opposée aux devoirs de sa charge. Ce n’est pas un choix, c’est tout le sens de la vertu publique et l’honneur du politique. Aujourd’hui soutenir Bianco a un coût que le pays ne peut plus s’offrir quand il amène des personnalités de premier plan à nier la réalité et à espérer éteindre les polémiques, en essayant d’autorité de rendre illégitime le débat.