« Nous ne défendons pas seulement un héritage, nous construisons un avenir. »

Un intégriste sur le plateau de Canal + : Céline Pina interpelle Najat Vallaud-Belkacem

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Alexandre Devecchio pour FigaroVox : Le dirigeant de l’association humanitaire islamique BarakaCity, Idriss Sihamedi, invité du supplément de Canal +, a affirmé qu’il refusait de serrer la main aux femmes et s’est montré particulièrement timide dans sa condamnation des actes terroristes. Najat Vallaud-Belkacem, présente sur le plateau, s’est contentée de déclarer : «C’est une association qui porte une façon de voir les choses qui n’est pas la mienne, à laquelle je ne souscris pas et qui me met aussi mal à l’aise, honnêtement, sur votre plateau, et donc je n’ajouterai rien». Que cela vous inspire-t-il ? 

Céline Pina : J’aimerais pouvoir dire : de la stupéfaction, hélas si cela me choque profondément, cela ne m’étonne pas pour autant. J’ai écrit il y a quelque temps que ce qui développe un fort sentiment d’insécurité chez les Français, ce sont moins les attaques des islamistes que le silence de la classe politique quand il s’agit de défendre nos principes et ce que nous sommes. Cette séquence illustre parfaitement ce propos.

Najat Vallaud Belkacem ne pouvait ignorer à qui elle avait à faire, non seulement le reportage diffusé avant sur BarakaCity, bien qu’assez complaisant, donnait à voir la nature de l’association mais encore son leader, présent sur le plateau, affiche tous les attributs du salafisme : crâne rasé, barbe peu soignée, discours ambigu, sexisme et antisémitisme avérés (dès qu’on lui pose une question qui l’embarrasse, il proteste en disant qu’on ne l’aurait pas posé à un juif, ou face à une remarque sur le fait qu’il refuse de serrer la main aux femmes, sa seule réponse c’est : «comme certains rabbins»…)

Même pour ceux qui ignoreraient tout de cette association, la façon dont le dirigeant de BarakaCity fait tout pour éviter de condamner l’État islamique en dit long sur l’idéologie qu’il porte. Il réussit le tour de force de déplorer du bout des lèvres les actes monstrueux de l’État islamique sans jamais condamner l’idéologie qui justifie ces actes. Et pour cause, il la partage… Face à ce type, qui est tout sauf un musulman normal, face à cette caricature de salafiste, la ministre avait un boulevard pour réaffirmer avec force les principes et idéaux de la République. A commencer par l’égalité femmes/hommes. Car elle ne peut ignorer ce qu’il y a derrière le refus de serrer la main des femmes. Elle aurait pu faire cette justice aux Français de confession musulmane de dire clairement que non, le leader de BarakaCity n’est pas un « musulman normal », mais un militant de l’islamisme le plus radical déguisé en humanitaire. En le laissant dérouler un tel discours, c’est l’amalgame que la ministre favorise, car on voit bien que l’objectif d’Idriss Sihamedi vise à évacuer le terme d’islamiste, donc de militant d’un islam politique, au profit de musulman, et ce afin de verrouiller toute critique et de faire taire toute opposition. Comment peut-on, dans un tel contexte, lui abandonner le terrain et refuser de contester sa parole ? 

Mais je me pose aussi des questions sur la légèreté de l’enquête des journalistes sur BarakaCity. Pourtant, si on veut lever quelques doutes, il suffit d’aller les voir en action. Ils étaient présents lors du salon de la femme musulmane de Pontoise et il suffisait de faire un tour à l’intérieur pour lever beaucoup d’interrogations. Mon compagnon et des amis l’ont fait pour moi (je manifestais devant), ce qu’ils ont vu était instructif et ils se sont même fait molester par ces pseudo-humanitaires qui n’aiment pas que l’on s’intéresse de trop près à leurs affaires.

Autant les stands de la partie commerciale du salon de Pontoise étaient modestes, voire un peu tristounets, de bric et de broc, autant celui de BarakaCity détonnait. Il répondait à tous les standards du bling bling et exhibait sa puissance et son argent. On aurait dit un studio de télé. Des baffles immenses Bose, des écrans géants partout, sonos et lumières, des canapés et des fauteuils. Ici, on a les moyens et on aime le montrer.

Les jeunes mâles qui y officient sont à la fois très propres sur eux et assez inquiétants. Musclés, tous barbus et le crâne rasé ou les cheveux très courts, ils portent un uniforme entièrement noir, tee-shirt et sarahouel, ils sont formés à la rhétorique même s’ils gèrent mal la contradiction.

S’il est très difficile de savoir d’où provient tout l’argent de cette organisation et quels sont ses véritables objectifs, on peut les deviner en les écoutant… Le message est brut de décoffrage, il est clairement anti-occidental et très orienté « guerre de civilisation ».

Tandis que tournent en boucle des images de mort, principalement des morts d’enfants, un prêcheur rebaptisé « humanitaire » harangue la foule. Les photos sont atroces, elles font mal, elles mettent en empathie et en colère. Je défie toute personne ayant ou non des enfants de ne pas se retrouver «retournée» par ces images. Elles vous montrent que la fragilité, l’innocence, ceux envers qui le devoir de protection doit être le plus fort, sont les premiers détruits. Elles vous mettent face à votre impuissance et à votre peur la plus primitive : celle de ne pouvoir sauver ses propres enfants. Cette douleur là est terrible et elle est universelle. C’est donc par la porte de l’universel, d’un sentiment commun à tous, que l’islamiste s’engouffre pour dénouer ce lien qui relie par trop les humains entre eux et en faire un vecteur de haine, de mort et d’affrontement. Au lieu de construire un monde commun, il rentre par le commun dans le monde qui existe et le fait exploser de l’intérieur.

Le prêcheur exploite la douleur et la colère de la foule, mais aussi sa peur avec un art consommé. Voilà le discours tenu en substance par Baraka City : « regardez, regardez cet enfant, regardez-le bien car ce pourrait être le vôtre, car un jour ce sera le vôtre. Les Occidentaux, c’est eux qui l’ont tué, pour le pouvoir, l’argent, le pétrole… Ils soutiennent les tyrans, ils leur vendent des bombes pour massacrer nos frères. Ils s’en moquent des enfants morts et ils se moquent aussi de toi, mon frère. Ils ne nous accepteront jamais. On est en guerre, mais toi, tu n’es pas des leurs, tu ne le seras jamais. Alors donne à la cause si tu veux que tes frères te protègent quand viendra l’orage. Car si tu les choisis, tu n’es plus notre frère. Et tu seras seul, car eux te rejetteront toujours. Et dans une guerre, quand on est seul… C’est donc seul ou avec nous. Pas d’autres choix »

Récupérer la zakat (aumône obligatoire) auprès des visiteurs du salon se fait avec un art consommé de la culpabilisation et du chantage affectif mais cela va plus loin. On n’est pas seulement dans une stratégie marketing extrêmement efficace que toutes les associations caritatives ont appris à maîtriser, mais dans une vraie entreprise de propagande. On y retrouve les mêmes tactiques de manipulation, mises au service de la radicalisation.

C’est ainsi qu’on décomplexifie en permanence la réalité du monde en refusant toute contextualisation, toute analyse historique et intellectuelle, toute interprétation et toute nuance. Et surtout, grâce au mythe du complot, il est possible de transformer le moindre imbécile, en un initié qui connaît les secrets de ceux qui mènent le bal. Sauf qu’à la fin de la danse, l’individu ferré est sommé de choisir son camp : l’occident qui pille, massacre et tue ses frères musulmans ou le soutien à sa communauté en versant la zakat à Baraka. Le message est en boucle. Et nul ne le conteste jamais, quand bien même il nie l’existence de l’Etat islamique (la Syrie c’est Bachar et l’occident) et réécrit l’histoire sans se soucier de vérité, ni même de crédibilité. Baraka déverse son art consommé de la communication sur une population peu éduquée, et très sensible à cette rhétorique sentimentalo-guerrière. Il excite ses interlocuteurs en jouant sur des représentations archaïques et simplistes, tragiques et traditionnalistes, et les enferme dans un rapport aux origines frelaté, où tout acte d’émancipation est vu comme une trahison. Voilà ce que j’aurais aimé voir et entendre dans le reportage qui a précédé l’entretien.

Des personnes comme cet Idriss font partie de ceux qui ensemencent les esprits avec une idéologie de haine et de violence. Leur engagement humanitaire n’est pas un humanisme, il est mis au service d’un projet politique belliqueux et dangereux. Son refus de condamner l’État islamique autrement que contraint et forcé est révélateur. Le silence de la ministre n’en est que plus inquiétant.

La réaction de la ministre de l’Education nationale, ancienne ministre du droit des femmes a- t-elle été à la hauteur ? 

Bien sûr que non. L’image en elle même est désastreuse : on voit une ministre de la république, paralysée devant un salafiste, qui enchaîne les provocations, répondre « rien » quand on lui demande si elle a quelque chose à dire. Pour ajouter ensuite qu’elle ne partage pas son opinion, comme si l’égalité entre les femmes et les hommes ou la violence terroriste étaient une question de point de vue… Déclarer « ne pas partager son opinion » est déjà le reconnaître comme ayant droit de cité, mais le racisme, le sexisme et l’antisémitisme ne sont pas de opinions, mais des délits que la ministre est censée dénoncer chaque fois qu’elle en a l’occasion.

Ce faisant elle oublie que l’égalité femmes/hommes est un principe constitutif de notre monde commun et que le rôle du politique est de donner substance à ces principes et idéaux, de les incarner et de les faire vivre. Ils sont pourtant beaux ces idéaux qui prônent l’égalité des hommes devant la loi au nom de leur humanité commune, qui ne veulent pas que nos inégalités de naissance se figent en inégalités de destin, qui rendent à l’homme le pouvoir de s’émanciper pour essayer de trouver sa voie et partir à la rencontre de l’autre. Nos libertés sont belles et exigeantes qui nous demandent de ne pas être le porte-drapeau de nos particularismes pour nous élever vers l’intérêt général, mais elles ne seront opérantes que si elles sont connues et transmises. Or la transmission passe d’abord par la parole, le récit, l’affirmation. La transmission rend intelligible le monde qui était là avant nous et qui nous survivra, lui donne un sens et nous donne un rôle, celui d’être à notre tour des créateurs pour faire vivre et évoluer ce monde que ceux qui nous ont précédé ont essayé de construire.

Or notre ministre s’est réfugiée dans le silence et la gêne. Cette gêne verbalisée est aussi difficile à comprendre que le silence constaté. Il n’y avait pas de gêne à avoir : c’était la parole du militant salafiste qui était choquante et illégitime et elle n’eût pas dû susciter la gêne, mais la colère et la réfutation.

Il y a là clairement, de la part de notre ministre de l’éducation, une impossibilité d’assurer et d’assumer la fonction de légitimation de notre système politique. Or c’est un des rôles majeurs du politique. Ce faisant c’est « ce que nous sommes », ce pour quoi nous sommes attaqués, auquel nos politiques n’arrivent pas à donner corps et sens, nous laissant orphelin de représentation et à la merci des discours extrémistes.

Or faute de discours et de politique d’intégration à la nation, ni les étrangers que nous accueillons, ni les Français que nous sommes, n’ont les codes pour comprendre le substrat culturel et intellectuel de la nation à laquelle ils appartiennent ou dont ils sont appelés à devenir les membres. Le contrat social n’a jamais été verbalisé, ce qu’impliquait le fait de vivre en France n’a jamais été explicité, le choix de la laïcité, l’importance de l’égalité, rien de cela n’a été transmis, ni même valorisé comme moyen d’accéder à un destin collectif. Les débordements en Allemagne lors de la nuit de la Saint-Sylvestre devraient donner à réfléchir à l’accueil de ces populations, si l’on ne veut pas qu’elles soient rejetées avant d’être intégrées. Quel message sur le statut de la femme a-t-on délivré à ces hommes lors de leur accueil ? D’ailleurs, pour se désolidariser de ces actes, d’autres réfugiés ont distribué au lendemain des fleurs aux femmes avec cette inscription : « Vous êtes nos mères, vous êtes nos sœurs. » Oui mais nous sommes surtout des femmes et souhaitons être respectées en tant que telles, pas parce que nous sommes les membres (inférieurs) d’une famille.

Or, l’intégration à la sphère publique ne va pas de soi, la laïcité n’est pas une évidence et l’universalisme, comme l’humanisme, est affaire d’éducation. Encore faut-il vouloir faire vivre l’esprit si particulier qui fit rayonner notre pays à l’époque où il avait quelque chose à dire au monde… Là, confrontée à la réalité d’une parole qui cible clairement nos principes, force est de constater que Najat Vallaud Belkacem se tait parce qu’elle n’a rien à dire. Et c’est une faute grave.

Au-delà de la personne de Najat Vallaud-Belkacem, cette scène symbolise le malaise de la classe politique et en particulier de la gauche face à l’islamisme radical ? 

Ce qui est arrivé à la ministre de l’éducation aurait pu arriver à presque tous les membres de notre classe politique, droite et gauche confondue. Mais la gauche a un double problème, elle abrite en son sein des islamo-gauchistes, qui sont bien plus que les idiots utiles des islamistes. Ils en deviennent leurs hommes de main et leur servent de caution morale et de certificat de respectabilité. Ils assurent même leur sale boulot de délégitimation de nos principes laïques et républicains, en essayant de faire passer tous les lanceurs d’alerte pour des islamophobes et en leur reprochant de faire le jeu du FN. Ils ont manifestement tout compris des stratégies d’intimidation des islamistes et les mettent en œuvre au sein de la gauche et à l’intérieur des partis, chassant les républicains pour les remplacer par des communautaristes ou des hommes sans conviction, pour qui la politique est un plan de carrière.

Comme les islamistes, cette gauche-là a intérêt à l’amalgame musulman islamiste. Pour deux raisons : pour pouvoir l’exploiter dans les faits et le dénoncer dans le discours. Comme cela, sous couvert de défendre une cause en soi inattaquable : la liberté de culte, la tolérance ; ils favorisent une démarche de déstabilisation de la société : l’islamisme. Puis ils utilisent le risque d’amalgame que d’autres pourraient faire, comme le FN, pour interdire toute référence à l’islam dans l’analyse du phénomène… Mais les dernières élections et la déperdition de leurs militants montrent que cette stratégie les déconnecte du réel et n’est pas en prise avec la société. Pour autant elle sature notre paysage médiatique qui n’a jamais semblé aussi éloigné des réalités de notre pays et offre des tribunes à des personnes qui ne représentent pas grand-chose et peu de gens.

Quant à notre gouvernement, il est toujours aussi peu clair quand il s’agit de désigner l’ennemi. Or le refus du président de la République de désigner clairement le terrorisme islamiste nous fragilise. Les Français ont parfaitement compris quelle violence ils affrontaient, voir leur gouvernement refuser de le dire ne peut s’interpréter que de deux façons : ils sont dans le déni par refus d’agir (ils ne prennent pas la mesure du phénomène) ou ils sont dans le déni par incapacité à agir (ils n’ont pas de grille de lecture de ce qui nous arrive ou ne le comprennent pas). Dans les deux cas, le danger n’est pas combattu et la population se retrouve en première ligne.

Or, Charlie, l’hyper cacher et le 13 novembre 2015 ont changé la donne. Un gouvernement ne prononce pas impunément les mots de guerre et ne met pas en place l’état d’urgence sans que la situation ne soit grave et que la conscience de cette gravité ne soit prise. Sauf que derrière, l’action reste assez peu lisible et ne fait pas sens : il reste l’impression que l’on parle beaucoup, mais que l’on agit peu ou mal. Lorsqu’on est en guerre, on sait pourquoi et contre qui. Or, le gouvernement ne sait pas désigner l’agresseur par son nom : l’islam radical qui progresse en France.

Ainsi, s’il est vrai que les courants islamistes quiétistes condamnent les attentats, ils prônent pourtant la même idéologie obscurantiste et belliqueuse que leurs avatars sanguinaires. Ils ne sont pas des terroristes, mais ils sont les préparateurs du terrain, ceux qui ensemencent les têtes de haine, de rejet et de violence. Il faut nommer l’islamisme pour ce qu’il est : une stratégie politique qui vise à islamiser les pays où elle s’implante et qui est en opposition avec les fondamentaux de notre contrat social. Si on refuse de le faire, c’est la frontière entre islamiste et musulmans que l’on floute. Et c’est le doute que l’on installe : comme si le silence venait de ce que l’on ne soit pas sûr que la porosité ne soit pas avancée.

Non seulement ce silence des politiques est une démission, non seulement il expose tous les Français, mais il expose particulièrement ceux de confession musulmane. C’est idiot. Il faut nommer l’islamisme et assumer de le combattre dans toutes ses dimensions, en distinguant ce qui relève de l’anti-terrorisme et ce qui relève du combat politique. Si le pouvoir n’a pas ce courage, ce sont tous les amalgames qu’il autorise, ne lui en déplaise et c’est son autorité qu’il détruit.

Pourquoi une telle prudence ? Cela traduit-il une peur ou une forme de complaisance ? Cet incident fait suite à la polémique autour de l’Observatoire de la laïcité. Certains responsables politiques ont-ils trahi ce principe ? 

Cela traduit probablement autant de la peur que de la complaisance, mais peut-être aussi une abyssale inculture, comme la difficulté de sortir d’un mode de fonctionnement quand on n’a plus de projets communs à défendre ni de rêves à porter.

Écoutez tous nos politiques. Bien rares sont ceux qui ne vous donnent pas envie de rire quand ils prononcent le mot France. On dirait que ce mot est trop gros pour leur bouche, qu’il les gêne. Ils ne sont pas plus à l’aise avec les mots « patrie », « république », « nation », « peuple », comme si cela ne signifiait plus rien pour eux, que des références obligées à un patrimoine enterré. En revanche parlez-leur de « vivre ensemble », d’ « intermodalité », de « transversalité » et d’ « horizontalité » et ils retrouvent des couleurs. Les mots de la politique ne sont plus les leurs, le langage de la technocratie est leur référence. Malheureusement, ces mots ne permettent pas de penser le monde, seulement de l’administrer, ils ne sont pas porteurs de projets, ils ne font pas le lien entre le monde de l’action et celui de l’intention. Ils ne créent ni sens, ni monde commun, et donc ne peuvent faire le lien entre les hommes.

Enfin certains sont surtout piégés par les réalités locales : ils n’ont pas d’utopie à proposer, pas de projet à construire, il ne leur reste que l’électoralisme et donc la manipulation de population ciblée pour asseoir leur pouvoir. Or, sur certains territoires comme la Seine Saint-Denis, le noyautage par les islamistes des associations et de certaines institutions fait qu’il n’est pas possible de garder sa place sans passer sous les fourches caudines des islamistes. Mais cela ne marche que parce que le reste de la population s’est arrêté de voter, faute d’offre politique qui lui corresponde. Car aujourd’hui, à droite comme à gauche, il n’y a plus d’offre politique laïque et républicaine. Et l’on peut demander ce qu’il reste de l’autorité de l’Etat.

L’épisode de l’Observatoire de la laïcité nous le prouve, qui voit un haut fonctionnaire refuser la mise en garde du Premier ministre, lui répondre par voie de presse de façon inadmissible et qui est pourtant confirmé à son poste alors qu’il a décrédibilisé l’institution qu’il dirige et déstabilisé l’autorité de l’État.

Sur le fond, la crise de l’observatoire couve depuis longtemps. Elle oppose deux visions de la laïcité, les uns en faisant un principe d’organisation de la sphère publique visant à garantir l’égalité des citoyens devant la loi, ce qui demande un certain sens critique et du courage ; les autres faisant de la neutralité de l’État une forme de paralysie du pouvoir devant les revendications religieuses et le prosélytisme, ce qui est plus confortable parce que moins conflictuel. Plus largement, c’est aussi la dérive d’une institution dont les dirigeants se sont affranchi de toute responsabilité et de tout compte à rendre. La vraie question, c’est : a-t-on besoin de cet observatoire tel qu’il fonctionne ? Nous avons sans doute plus besoin d’une autorité qui veillerait à répondre à toutes les atteintes portées à la laïcité et qui aurait vocation à exister en justice et à former à cette belle idée qui appartient à notre histoire et fait notre spécificité.

Comment peuvent-ils se ressaisir ? Les valeurs de la République semblent avoir été vidées de leur substance. Dès lors, comment cette dernière peut-elle s’opposer au fondamentalisme ? 

Elles n’ont pas été défendues, elles n’ont même pas été transmises, elles ne sont donc pas vidées de leur substance.

Arrêtons de les utiliser comme un moyen de se défiler, en faisant semblant de porter un message, mais redonnons leur corps, chair et contenu. Et on le peut. En répondant sur le fond aux barbares islamistes par notre tradition humaniste, en assumant et en aimant ce que nous sommes. À la soumission au nom de la foi, répondons par la création, meilleure part de l’homme ; à la tradition au nom de l’immuabilité du divin, répondons par l’émancipation, au nom de la capacité de progrès qui est en l’homme ; aux inégalités vues comme liées à la nature (couleur de peau, sexe…), répondons par l’égalité liée à notre humanité commune. Nous menons un combat avant tout culturel, et pour cela nous ne sommes pas sans ressources : notre tradition philosophique, littéraire et historique nous fournit des armes. Dommage que nos élus, pour la plupart, ne les connaissent pas ou trouvent que le clientélisme est un chemin plus court pour réussir…