Après avoir dénoncé la présence d’intervenants fondamentalistes du Salon de la femme musulmane de Pontoise, Céline Pina s’attaque aux compromissions des élus vis-à-vis de l’islamisme. Dans son premier livre, Silence coupable, dont nous publions les bonnes feuilles, l’ancienne conseillère régionale socialiste du Val- d’Oise, aujourd’hui retirée de la politique, pointe du doigt ces « barons locaux » qui favorisent le communautarisme en pratiquant le clientélisme dans les quartiers. Et décrit les silences coupables des politiciens trop effrayés par la perte de leur mandat pour s’opposer au noyautage des entreprises, des syndicats, des universités et de la fonction publique par l’ « islam réactionnaire et traditionaliste ». Entretien.
Le Point.fr : Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Céline Pina : J’ai eu un sentiment d’urgence. J’ai vu mon environnement changer, la radicalisation monter. Mon territoire est en région parisienne, je ne suis pas sûre qu’au fin fond de la Creuse le ressenti soit le même. Mais les islamistes sont en train de noyauter les fleurons de la République. Après mon intervention sur le Salon de la femme musulmane, j’ai eu la tentation du repli. Je me suis dit qu’il n’y avait que des coups à prendre. Mais j’ai fait un constat d’échec terrible. J’ai passé vingt ans de ma vie à faire de la politique et aujourd’hui je me réveille et je me demande à quoi j’ai servi. Au PS, j’ai perdu la plupart des combats que j’ai menés. Je me suis dit qu’il n’était jamais trop tard pour bien faire. Comme mon parti est englué dans des logiques électoralistes et clientélistes, il fallait que je libère ma parole. Donc je ne me suis pas représentée aux régionales, ce qui a arrangé tout le monde. J’ai quitté mon boulot en accord avec la députée qui m’employait parce que j’estime qu’on ne peut pas cracher dans la soupe et manger au râtelier. Il faut être cohérent.
Vous dites qu’il n’y a que des coups à prendre dans ce combat. Avez-vous pris des coups après avoir dénoncé la tenue du Salon de la femme musulmane ?
C’est avant tout ma famille politique qui m’a agressée. Avant cette histoire-là, mes rapports étaient déjà tendus avec le député de mon territoire. Mon côté très laïque et très républicain ne passait pas. Il m’a valu d’être très violemment attaquée, traitée d’ « islamophobe », de « raciste », de « faire le jeu du FN ». Quand vous dérangez à l’intérieur d’un univers clos, l’agressivité que vous prenez est tellement forte que vous pouvez basculer du côté obscur de la force. Un des jeux des personnes qui veulent déstabiliser les lanceurs d’alerte, c’est de les recouvrir d’accusations jusqu’au moment où la personne sous le coup de la violence devient elle-même violente, perd le contrôle de soi et dérape. C’est ce que j’ai vécu. Il y a un moment où ça a été tangent. J’ai eu peur de basculer et de confondre combat et haine aveugle. J’ai dû travailler sur moi-même pour retrouver un discours ferme mais serein.
Avez-vous eu des pressions de religieux ?
Non. Après l’affaire du Salon de la femme musulmane, j’ai eu mille messages sur Facebook en deux ou trois jours. J’ai eu peur. J’ai demandé à mon compagnon d’ouvrir, car je ne savais pas si j’allais être capable d’encaisser des messages violents. En fait, ce n’étaient que des messages de remerciement et de soutien qui venaient de toute la France, de toutes les confessions, de tous les âges. Je n’ai jamais reçu de menaces violentes.
Dans votre livre, vous dénoncez la progression du radicalisme islamiste. Vous insistez beaucoup sur la condition des femmes…
Là où j’habite, à Cergy, quand on parle de voile, on ne parle pas d’un petit foulard. Beaucoup de femmes sont voilées de la tête aux pieds. La pression dans les quartiers est réelle. Les voilées font pression sur les autres dévoilées. Ce n’est pas de la théorie. Il y a des choses que j’observe dans l’école de mes enfants, des dialogues que j’ai avec des jeunes filles. Quand une gamine est voilée à 7 ans, comment voulez-vous qu’elle ait un rapport normal au corps ? On contraint les femmes à l’aliénation et à l’infantilisation. Leur refuser l’égalité, c’est discuter de l’appartenance des femmes à l’humanité. Quant aux hommes, ils sont à la fois astreints à une virilité extrêmement forte et castrés par la structure même du patriarcat. L’oppression des femmes permet d’exhiber une virilité que le patriarcat empêche. Les femmes sont au mitard. Elles vivent une succession d’enfermements. Ça tue le potentiel de créativité d’une société.
Les élus sont-ils les principaux responsables de la montée du radicalisme islamiste ?
Le problème de beaucoup d’élus, c’est leur médiocrité. Ils sont comme les jeunes de banlieue qui ont pigé que le discours de victimisation leur permettait de ne jamais prendre leurs responsabilités. Si vous êtes un véritable élu, vous commencez à expliquer ce qu’est la laïcité, pourquoi elle est utile à la vie en commun et pourquoi il ne faut pas transiger là-dessus. La condition est très claire : pour être intégré et français, on se fout de savoir d’où vous venez, depuis combien de temps vous êtes sur le territoire. Mais l’égalité entre les hommes et les femmes, la laïcité, ainsi qu’un certain nombre de principes, sont obligatoires. Les « accommodements raisonnables », on va dire ce que c’est : le recul des droits des femmes. Aujourd’hui, le déni est bien pratique chez les hommes politiques. Ils n’ont pas de projet de société, donc ils ne connaissent que ces recettes-là. Ils n’ont aucun projet politique à porter. Aujourd’hui, face à la violence islamiste et à la montée du FN, il nous manque un discours à la Churchill : « du sang, de la sueur et des larmes ». Mais nos politiques ne peuvent pas tenir ce discours, car, si on regarde leur parcours, on voit qu’ils n’ont jamais donné beaucoup d’eux-mêmes.