Dimanche 13 février, sur radio J, Yannick Jadot a déclaré : Zemmour est juif. Il fait le juif de service pour les antisémites”. Il a eu l’occasion de préciser sa pensée dans l’émission des Grandes gueules sur RMC : “Zemmour porte l’antisémitisme, il condamne Dreyfus et réhabilite Pétain (…). Quand c’était Le Pen qui tenait ces propos-là, ça scandalisait tout le monde. Zemmour se sert de la religion pour servir d’excuse à l’extrême droite qui n’attendait qu’un tel représentant pour libérer la parole”. Et le candidat écologiste à l’élection présidentielle de refuser de s’excuser pour avoir employé le terme « juif de service » comme si les positions d’Eric Zemmour justifiaient que soient employés des qualificatifs dégradants et antisémites à son encontre.
Or la question que pose le qualificatif de « Juif de service » est la même que celle qui s’était posée lorsque Taha Bouhafs, le militant racialiste et indigéniste avait insulté la policière Linda Kebbab en la traitant d’« arabe de service ». La même logique d’assignation à résidence identitaire était à l’œuvre. Linda Kebbab était qualifiée ainsi parce que selon la coalition idéologique qui réunit islamo-gauchistes, racialistes et wokistes, la police est une force au service du racisme d’état. Etre policier et arabe représente donc une double trahison, trahison de sa race et mais également des devoirs qu’un individu aurait envers ce type d’appartenance. Par sa seule présence, Linda Kebbab aurait donc crédité un mensonge : l’état ne serait pas raciste puisqu’il compte dans ses rangs des minorités ethniques et religieuses. Ensuite en se mettant au service de l’ennemi « l’Etat raciste » contre ses « frères » opprimés, elle aurait commis une trahison. C’est exactement la même chose que reproche l’écologiste au leader de Reconquête : par sa présence il effacerait l’antisémitisme de l’extrême-droite et il trahirait sa communauté en n’ayant pas l’attitude que l’on est en droit d’attendre d’un Juif.
Là aussi, l’appartenance communautaire est censée tout dire d’un individu. Selon l’appartenance raciale ou religieuse, le plus souvent d’ailleurs les deux sont liés dans ce type d’imaginaire, on est censé tout savoir d’un être humain et on peut le classer chez les bourreaux ou les victimes, savoir ce qu’il pense, ce en quoi il croit, qui sont ses amis, quels sont ses ennemis… Le libre arbitre ? La liberté ? La capacité à penser par soi-même ? Toutes ces notions disparaissent. Quand on est Juif ou Arabe, Noirs ou Blancs on est censé être la déclinaison d’un Nous collectif qui définit ce que vous êtes de la naissance à votre mort, ne pas correspondre à ce Nous, ne pas rentrer dans les cases c’est être traitre à sa race, caution de l’ennemi, être réduit à une figure d’ignominie, instrumentalisé de surcroît.
Dans le cas de Yannick Jadot, l’inconscient qui parle n’est pas antisémite. Yannick Jadot ne parait pas l’être, même si son parti, très actif dans le soutien au mouvement palestinien peut être, en revanche, bien plus ambigu. Cependant cette expression témoigne du bain culturel et idéologique dans lequel baignent les écologistes et parle très clairement à la clientèle qu’ils visent. Chez EELV, tout le monde a compris que le candidat ne pèserait pas dans la Présidentielle. Gagner n’est pas un horizon et accéder au second tour n’est pas de l’ordre du possible, ce sont donc les législatives qu’il convient vraiment de préparer. Et là, la campagne de Sandrine Rousseau lors des primaires l’a montré, il s’agit de réinvestir ce qui a fait le succès du socialisme municipal ces dernières années : les alliances avec les islamistes et les racialistes. Or ces mouvements politiques basent leur puissance et leur discours sur l’enfermement communautariste et les revendications multiculturalistes.
Pour ces identitaires, l’ennemi c’est la Nation et l’égalité des droits n’est qu’un leurre à abattre. Il n’y a d’appartenance que dans la race et la religion, celle-ci détermine ce que l’on est en droit d’être et de penser. L’aboutissement de telles revendications n’est pas une société d’individus libres et autonomes qui lient l’égalité et la capacité à choisir l’organisation de leur société politique, mais une société multiculturaliste où le groupe ethnico-religieux le plus puissant impose sa loi, tout en laissant les chefs tribaux réguler leur propre cheptel. L’émancipation, la liberté de penser, la possibilité de faire ses propres choix finissent par constituer des obstacles dans la constitution de groupes ethnico-religieux suffisamment puissant pour faire basculer notre modèle de société, voilà pourquoi ce type de sortie se multiplient. La vérité de ce qui se joue est impossible à dire pour cette gauche qui trahit toute son histoire en retournant à la défense de l’état tribal contre l’émancipation que porte l’idée de Nation. En première ligne de son offensive, il y a l’égalité des droits, l’autonomie de la pensée et la liberté de choix. Comme cette réalité est impossible à regarder en face, encore moins à assumer, c’est la médiocrité et la bêtise qui finit par révéler tout le sous-texte de cette campagne. Le dérapage de Yannick Jadot à ce titre n’en est pas un, il raconte ce qui se joue à gauche et pourquoi celle-ci se marginalise. Pire encore, il dit très clairement que cette gauche de la partition multiculturaliste ne pourra pas sauver le modèle social auquel les Français sont si attachés. Sans Nation, pas de sécurité sociale en effet. Celle-ci repose sur l’idée d’une solidarité basée sur une égalité de droit et une communauté d’histoire et de destin. Elle a besoin d’individus libres et conscients de leurs responsabilités, pas de porte-drapeaux d’un Nous racial et religieux. Elle a besoin d’individus solidaires qui font le choix de l’intelligence et du dialogue collectif, pas de particules interchangeables soumises à une logique tribale et servant une soi-disant volonté divine ou des obligations liées à leur sang.
Si la campagne de cette Présidentielle met en scène une gauche du ressentiment et de l’agression verbale gratuite, qui s’en prend aux seuls qui défendent une certaine idée de l’humanisme et du combat social, comme Fabien Roussel ou Georges Kuzmanovic, c’est parce que la plus grande partie de la gauche est en train de trahir tout ce qui a fait sa noblesse : son idéal d’humanisme et d’émancipation. La régression tribale qu’elle porte, où la place de chacun est définit par des appartenances sur laquelle il n’a aucune prise (race, sexe et même religion, qui n’est plus un choix mais devient une question de naissance et de tradition) ne peut être explicité dans le discours politique. Elle structure donc les dérapages verbaux. Ici l’insulte en dit plus sur la réalité des représentations qui structurent la vision du monde des écologistes que le discours officiel. C’est ce qui explique la médiocrité de cette campagne et l’absence de toute dynamique à gauche.
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