« Nous avons encore de belles choses à apporter au monde, tout un patrimoine à faire partager et un monde commun à reconstruire. »

Primaire à gauche : pour atteindre Valls, c’est la laïcité que Peillon attaque ! 

Tribunes

Vincent Peillon, qui quand il était ministre de l’Education Nationale fut à l’origine de la charte de la laïcité en 2013, se place désormais sur le terrain des accommodements tous azimuts.

« Un jour nous irons vivre en théorie parce qu’en théorie tout se passe bien » et nous y retrouverons Vincent Peillon qui manifestement y vit depuis un temps certain. En effet, le énième candidat à la Primaire du PS était l’invité de Ruth Elkrief, vendredi 16 décembre sur BFMTV et il a réussi l’exploit de parler de sa candidature à la présidence de la république, de laïcité, de Syrie et d’islamisme sans faire une seule fois référence aux attentats et assassinats qui ont ponctué les années 2015 et 2016. Sans montrer une seule fois qu’il a conscience des attaques qui ont frappé notre pays et de la menace qui continue de peser sur nous à la fois en tant que peuple constitué et individus libres. Hors sol, voilà comment est apparu l’homme dont la candidature n’a été pensée que pour obéir à un mot d’ordre : Tout Sauf Valls.

Quand servir ses querelles personnelles conduit à attaquer un principe universel

Il faut dire que l’horizon pour Vincent Peillon n’est ni la France ni la République mais le PS et ses querelles de personnes. Hélas, quand on cherche à servir ses querelles sans s’interroger sur leur importance réelle, on peut finir par oublier la réalité dans laquelle on s’inscrit. Cet oubli n’est pas seulement un calcul, mais le fruit de la situation fausse dans laquelle il s’est placé : puisque Valls est le seul à être lucide et clair sur l’offensive islamiste, puisqu’il est le seul à être limpide et cohérent sur la laïcité, il faut en faire un suppôt de l’intolérance et un semeur de discrimination, un homme qui fait monter le Front national et qui détruit l’esprit de nos lois et de nos principes universels. Mais pour atteindre Valls, c’est à la laïcité que Peillon va porter l’essentiel de ses coups.

Mesurons d’abord le ridicule et l’ampleur du virage : Vincent Peillon, ancien chantre de la laïcité, se place désormais sur le terrain des accommodements tous azimuts.

Dans cette interview télévisée il reprend, et donc valide, la fausse alternative imposée par les islamistes et leurs idiots utiles, entre la gentille laïcité douce comme une lotion de bébé et celle relevant de « l’orthodoxie à rebours », de « l’intolérance » et qui « désignerait certaines populations ». En cela, cet échange avec Ruth Elkrief est emblématique : il met en scène tout ce qui rend les hommes politiques méprisables : l’abandon de valeurs pour gagner des voix. Au bingo des mots à caser pour s’assurer le vote communautariste et gauchiste, Vincent Peillon a réalisé un carton plein, se dépêchant de noyer la critique des islamistes sous la mise en accusation des juifs ultra-orthodoxes et des catholiques ultras de la Manif pour Tous. On aurait aimé que les islamistes se contentent de manifester avec des T-shirt bleus et roses. Avons-nous recensé par ailleurs une victime du judaïsme ultra-orthodoxe en France ces dernières années ? Vincent Peillon n’a jamais évoqué les vraies victimes, celles du terrorisme, or jusqu’à maintenant, c’est l’islamisme qui a tué et ce sont les Français le rejetant, par leurs fonctions ou par leurs occupations, qui ont été tués.

En évacuant la dimension politique de conquête du pouvoir et de conquête territoriale des islamistes et en faisant semblant de mettre au même niveau de dangerosité et de capacité d’action les fanatiques de toutes les religions, Vincent Peillon, pour mettre Manuel Valls dans sa ligne de mire, mitraille tous les républicains et n’hésite pas à faire passer les tenants d’une laïcité sans adjectif, pour de dangereux boutes-feux. Au mieux ils sont accusés de faire dans « l’amalgame » et la « brutalité », au pire d’attaquer « un certain nombre d’identités historiques et culturelles ». La référence laïque ne cacherait ici que xénophobie et racisme. Et M. Peillon, par cet élément de langage, remporte le pompon des indigénistes : il s’agit « d’identités historiques et culturelles », pas de religion ni de politique, juste du folklore, donc. M. Peillon, place-t-il le voilement du côté du folklore ? Celui des petites filles aussi ? Il s’est en tout cas empressé de prendre l’exemple du burkini, débat rendu de nouveau très actuel par la saison et la météo…

C’est qu’il faut se distinguer du méchant Valls. Au prix d’un lapsus non relevé mais terriblement révélateur du mépris d’une certaine gauche. Evoquant les musulmans qu’il convient de distinguer des « islamistes radicaux » (vous et nous y verrions une redondance, pas le député européen philosophe), M. Peillon déclare : « Ils ne pratiquent plus, ils aiment cette République, ils cherchent du travail, ils défendent nos valeurs ». Quel étrange méli-mélo ! Faut-il ne plus pratiquer sa religion pour montrer son attachement à la République ? M. Peillon s’emmêle dans les fils qui dirigent la marionnette qu’il est.

Un opportunisme qui alimente le rejet par les Français de leur classe politique

C’est pourtant lui qui, ministre de l’Education Nationale, fut à l’origine de la charte de la laïcité en 2013, charte à l’époque critiquée par le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dahlil Boubakeur et par d’autres comme « stigmatisante » pour les musulmans. C’est lui qui avait maintenu la circulaire Châtel et l’obligation de neutralité faite aux parents accompagnateurs de sorties scolaires dans un communiqué[2] daté du 22 Décembre 2013. Il y déclarait : « Le milieu scolaire est un cadre qui doit être particulièrement préservé. Ainsi s’agissant des parents d’élèves qui participent à des déplacements ou des activités scolaires, ils doivent faire preuve de neutralité dans l’expression de leurs convictions, notamment religieuses. C’est ce qu’indique la circulaire du 27 mars 2012 (…) Cette circulaire reste donc valable. » Mais ça, c’était avant.

Comment ne pas avoir le tournis ? Najat Vallaud-Belkacem a rendu cette circulaire caduque[3], dans une déclaration faite devant l’Observatoire de la laïcité et a incité les directeurs d’école à accepter ces parents dans l’ostentation religieuse. La Ministre évoquait dans son allocution l’écueil de « la laïcité dite de combat, qui stigmatise le fait religieux et constitue parfois le masque de l’islamophobie. » Qui donc fait dans l’amalgame ? Et à la fin de tout ce cirque, c’est Vincent Peillon, candidat-lige catapulté dans la primaire du PS, qui se place dorénavant dans le sillon accommodant de Najat Vallaud-Belkacem. Laquelle a finalement rejoint Manuel Valls, son opposé dans ce domaine. Comment se garder de ressentir du dégoût face à ces girouettes dont la seule constance se trouve concentrée dans la construction de leur propre carrière ? 

Un déni de réalité indigne d’un homme d’Etat

Aspirer à diriger la France et les Français et réussir à ramener le déni sur le devant de la scène dès le début de sa campagne, voilà l’exploit qu’a su réaliser Vincent Peillon. Rappelons-lui tout de même que si les questions liées à la laïcité et à l’islamisme prennent dans notre pays une résonnance particulière, c’est en raison d’un contexte exceptionnel : il y eut d’abord Mohamed Merah en 2012, l’attaque du commissariat de Joué-Les-Tours en 2014, puis les attentats de Charlie, de l’hyper-casher, des attaques au couteau devant un centre communautaire juif, l’agression d’un militaire à Orly, la décapitation d’Hervé Cornara en Isère, l’attentat déjoué du Thalys, les attentats de Paris, les meurtres des deux policiers de Magnanville, puis la tuerie de Nice, l’assassinat du père Hamel… Et aujourd’hui il ne se passe guère de semaine sans que l’on apprenne qu’un attentat a été déjoué…

Il faut atteindre un niveau de déconnexion stratosphérique pour se porter candidat à la présidence de la République et oublier que si nous sommes en état d’urgence c’est que nous sommes attaqués, que le sang a coulé sur notre sol, que plus de 230 des nôtres sont morts, que nous nous préparons à affronter d’autres meurtrissures. Il faut être particulièrement loin des préoccupations de nos concitoyens pour ne pas comprendre qu’ils n’ont rien contre les musulmans mais n’acceptent plus que l’on impose des règles d’un autre siècle et d’une autre culture sur notre sol, à quelques kilomètres de la Tour Eiffel. Il faut être particulièrement aveugle pour ne pas voir qu’un nouveau totalitarisme se lève et qu’il est nourri par une idéologie islamiste que répandent dans certains quartiers frères musulmans et salafistes.

Dans un tel contexte, Vincent Peillon n’a pas eu un mot pour les victimes des djihadistes, encore moins pour celles du fondamentalisme islamiste, pas un mot pour les femmes interdites de café et chassées de l’espace public, tant il était occupé à entonner l’air du « padamalgame »… Oubliant qu’à force de parler de respect des musulmans quand il se trouve face à des revendications et discours islamistes, le politique provoque les amalgames là où il pourrait les éviter. Oubliant que c’est le refus d’une grande partie de la gauche de prendre ses responsabilités, de faire respecter nos lois et nos idéaux, qui a fait monter la peur dans la population et alimenté le vote extrémiste. Que pour tenter d’abattre un adversaire de son propre parti, cet homme, au demeurant plutôt intelligent et expérimenté, en vienne à oublier ce qu’il doit à son pays dit tout du péril qui nous guette : trop de politiciens sans envergure se disputent une fonction où l’on a plus que jamais besoin d’hommes d’Etat. A voir les attaques qu’il subit tant des islamistes que des bien-pensants islamo-compatibles, Manuel Valls gagnerait à choisir la voie du courage et de la responsabilité dès la primaire socialiste, car l’appareil ayant refusé la présence du candidat du MRC, Bastien Faudot, également impeccable sur ces questions-là, il est aujourd’hui le seul à pouvoir ramener vers la primaire du PS, les républicains de gauche.

Céline Pina, ex-élue socialiste, est essayiste et militante, elle est l’auteur de Silence coupable, paru aux Editons Kero. Fatiha Boudjahlat est professeure et secrétaire nationale du MRC en charge de l’education. Toutes deux sont les co-fondatrices de « Viv(r)e la République » mouvement laïque féministe et républicain appelant à lutter contre tous les totalitarismes et pour la promotion de l’indispensable universalité de nos valeurs républicaines

[2] http://www.education.gouv.fr/cid76045/etude-du-conseil-d-etat-realisee-a-la-demande-du-defenseur-des-droits.html

[3] http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/09/01/31001-20160901ARTFIG00123-sorties-scolaires-et-signes-religieux-la-lachete-de-najat-vallaud-belkacem.php

Tribune parue dans Marianne.fr co-signée par Fatiha Boutjahlat et Céline Pina