« Nous ne sommes pas condamnés à manger des briques parce que nos dirigeants vont dans le mur »

Quand l’avenir des classes moyennes est à l’école privée

Tribunes
Empêcher l’excellence, interdire le mérite, niveler par le bas, voilà l’école du ministre Blanquer. Les témoignages s’accumulent sur la volonté de casser les bons élèves et les stratégies de contournement que les parents mettent en place pour que leurs enfants soient dans de bonnes classes : classe orchestre, choix de l’allemand, du latin. Il y a même parfois une volonté de casser les bons élèves en les mixant avec les pires. Comme pour les punir d’avoir essayé de s’en sortir par le haut.
Les enfants des élites, elles, ne sont pas concernées. Elles sont dans le privé, à l’école alsacienne et échapperont ensuite à parcours Sup en investissant les grandes écoles payantes. Pour elles il existe un parcours d’excellence et d’exigence et au pire elles ont les moyens de l’acheter. Pour les enfants des classes moyennes en revanche l’ascenseur social est volontairement arrêté.
Reste les classes populaires à qui est fait la charité de quelques places quotas sur des circuits parallèles où ils ne sont pas jugés selon les mêmes critères que les autres. Ce qui en dit long sur la représentation qu’ont les élites du peuple : vu comme incapable de s’élever au même niveau que ceux qui n’ont qu’à se donner la peine de naître. Or les années d’après guerre qui ont vu les classes moyennes s’élever ont prouvé que celles-ci étaient un atout pour notre pays et n’avaient rien à envier à l’oligarchie en matière de capacités et d’investissement au service de la France, l’intérêt de classe en moins.
C’est cette société où l’école est au service du mérite et de l’excellence que le ministre Blanquer est en train d’achever. Cela ne changera rien pour les classes supérieures, pas grand chose pour les classes très populaires à qui on fera la charité d’élever de temps en temps un de ses enfants dans la hiérarchie pour exhiber les bons sentiments des élites et leur générosité et la véritable concurrence, celle des classes moyennes sera éliminée par l’outil même censée les élever: l’éducation nationale.
Il reste encore le privé. Mais à force, si la redistribution devient le matraquage des classes moyennes pour tenir hors de l’eau les classes populaires pendant que des élites paresseuses et peu attachée à notre culture et à notre protection accumulent les privilèges, plus personne ne voudra d’une protection sociale basée sur l’exploitation et la disparition à terme des classes moyennes. Qui accepterait de continuer à creuser sa propre tombe pour accoucher d’une société injuste et inégalitaire ? 
Autant passer à l’assurance privée et ne pas se sentir liée à des personnes avec qui on ne partage plus grand chose d’autres que des prélèvements fiscaux et des services publics dégradés que l’on doit pourtant entretenir même quand on est poussé à faire le choix du privé.
Cette situation à la fois injuste et aberrante n’est pas de la seule responsabilité du ministre Blanquer, mais comme fossoyeur, il se révèle très efficace. En revanche sur la laïcité il me rappelle une expression de chez moi : « grands causeux, petits faiseux ».
Voilà une autre explication de l’abstention record dans notre pays : voter equivaut à tirer une balle dans le pied dans l’avenir de nos enfants car cela n’a conduit au pouvoir depuis plus de 30 ans que des politiques qui, de droite comme de gauche, ont cassé la dynamique des classes moyennes et creusé les inégalités. Le seul moyen de protestation qui reste est d’ôter à ces gens leur légitimité en refusant le transfert de souveraineté. On y est.