Donc si je comprends bien, pendant qu’Emmanuel Macron est persuadé que la Russie veut déstabiliser sa présidence et s’infiltre partout, un de ses intimes, chargé de sa sécurité, est en cheville avec un oligarque russe, proche de Poutine ? Et à l’époque, parce qu’il se méfie des institutions, notre sémillant Président veut confier la sécurité de la plus haute autorité de l’Etat à ce proche, le fameux Alexandre Benalla, dont l’histoire est en train de montrer qu’il n’est qu’un petit caïd, sans scrupule, limites, ni éducation, mû par la seule cupidité et l’intérêt personnel.
Pour quelqu’un comme Benalla, accéder au pouvoir c’est acquérir le droit de s’affranchir de la loi et avoir toute licence pour commettre abus, trafic et malversations, en étant intouchable parce que protégé. Le pire c’est que cela a failli marcher, que cela a même marché pendant un moment. Le pire c’est que cette histoire n’interroge personne sur ce qu’elle dit de la déliquescence de nos institutions, du manque d’élémentaire bon sens au niveau de l’entourage du Président, de la défaillance de nos garde-fous.
La vengeance d’Emmanuel Macron contre la Russie s’est exercée avec une loi fake news franchement contestable, qui a rogné nos libertés alors même que le manque de discernement et l’amateurisme au plus haut niveau de l’Etat explique pourquoi la France est vue comme un maillon faible et excite les appétits de beaucoup de monde. Parce que si, comme le dit l’ineffable Christophe Castaner, cette affaire est une histoire de » cornecul », il va falloir nous expliquer pourquoi les « corneculs » se retrouvent proches du plus haut sommet de l’Etat, sont accrédités secret défense, détenteurs de passeports diplomatiques et peuvent monter des affaires troubles avec des individus douteux sans que cela ne semble déranger quiconque. Est-ce parce que l’entourage d’Emmanuel Macron voit le pouvoir comme un open bar permanent pour eux et leurs proches ? Le pouvoir serait-il pour eux moins capacité à faire que jouissance à exercer ? J’espère que non, mais l’on ne peut que constater qu’en terme de moralisation de la vie politique, non seulement Emmanuel Macron a échoué mais qu’il donne lui-même le mauvais exemple en s’entourant de personnalités cupides et peu scrupuleuses : Alexandre Benalla est le plus visible, mais rappelons Richard Ferrand et la juteuse affaire réalisée grâce aux Mutuelles, Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée visé par une enquête pour trafic d’influence…
Mais le pire, c’est que ce pouvoir qui donne de lui une image si cynique dans son rapport à l’argent, si à l’aise avec la cupidité des uns et si décomplexé pour demander les efforts aux autres, se révèle d’une grande naïveté politique sur d’autres terrains, voire prend des décisions qui nous exposent en tant que peuple et nous fragilisent en tant que Nation : il est en train de remettre l’islam de France entre les mains des islamistes et veut ramener les jihadistes en France alors que sa justice ne sait pas juger des actes commis en temps de guerre et qu’il n’a les moyens ni de les contrôler, ni de les enfermer. Bien sûr ce n’est pas lui qui payera la note. A ce niveau-là, on paye rarement pour ses erreurs : on bénéficie d’une protection et on a les moyens financiers de vivre moins exposé. Ce sera donc au peuple de payer de son sang la haute idée que ces gens se font de leur moralité en nous imposant de subir les dangers qu’ils ne font que gérer. Des citoyens vont mourir à cause de ce type de décisions, eux verseront des larmes devant les caméras. Bien mauvais partage. D’autant plus mauvais que c’est comme cela que l’on construit l’arrivée au pouvoir des extrémistes, de droite comme de gauche : sur les trahisons cumulées et le cynisme d’élites qui n’incarnent plus rien que leur propre intérêt.
Des politiques plus déterminés et plus courageux n’auraient pas pu empêcher que certains jihadistes ne finissent par revenir, mais du moins aurions nous senti dans leur volonté de protéger leur peuple, ce lien palpitant qu’est la confiance censée unir le peuple à ses représentants dans la quête de l’intérêt général comme dans l’affrontement des difficultés de leur époque. Une confiance qui se forge dans les difficultés affrontées ensemble, mais qui s’étiole quand on croit que mensonge, mépris et communication sont la martingale de la manipulation du peuple et de la pérennité du pouvoir.
En attendant, face à un tel amateurisme et à un tel manque de discernement, on ne peut qu’anticiper le renforcement des difficultés. « Mais qui sont ces gens ? » entends-je de plus en plus quand les Français parlent de leurs représentants. Ce gouvernement les laisse souvent dans un état de sidération, ce mécanisme de défense et de distanciation que l’esprit met en place quand il s’attend à ce que rien ne se dresse pour le défendre du pire. Dans une démocratie, c’est là un bien mauvais signe.
(photo : ludovic Marin, afp)