Nous nous souvenons tous où nous étions le soir du 13 novembre, il y a un an. Comme dans tout traumatisme collectif.
Et pourtant je n’ai pas eu envie, aujourd’hui, de lire les journaux ou d’allumer la télé, pas envie d’entendre ces discours, impeccablement conçus pour dire ce que l’on a envie d’entendre et qui ne seront suivis d’aucun effet. Je suis restée complètement indifférente à la polémique autour de la réouverture du Bataclan et je ne supporte plus l’accumulation des commémorations, tant elles semblent être organisées, moins pour rendre hommage aux victimes, que pour donner à voir la compassion du politique, quand on attend plutôt l’expression de la Nation.
Assez des mises en scène larmoyantes pour conjurer l’impuissance. Assez de ces empilements de mots qui masquent difficilement le refus de regarder en face la réalité. Assez d’appel à la tolérance quand c’est à la résistance qu’il faut appeler.
J’ai pensé aux victimes et surtout à leurs proches, ceux qui se heurtent à la fois à la douleur de l’absence et à l’absurdité de ces morts, sacrifiés à une idéologie obscurantiste, violente et sans âme. J’ai pensé aux blessés, à ceux qui pleurent leurs morts et à ceux qui tremblent à l’idée de connaître un jour semblable malheur puisque nous savons que le sang n’a pas fini de couler. Pour ceux qui nous tuent, nous ne sommes même plus des êtres humains, juste des kouffars… Et pour le coup, le seul universalisme qu’ils connaissent est celui de leur haine, qui n’épargne personne, pas même leurs coreligionnaires…
Nous sommes attaqués pour ce que nous représentons, pour notre attachement à la liberté d’expression, à l’égalité femme/homme, à la laïcité… Or depuis les assassinats commis par Mohammed Merah, en passant par Charlie, l’hypercasher, St Quentin Fallavier, Paris, Nice, St Etienne-du-Rouvray, Magnanville, et en attendant les prochains, la seule question qui se pose est: est-ce que ce que nous incarnons est défendu ? Est-ce que ces massacres ont dessillés les yeux de nos politiques ?
La réponse est non.
Bien sûr, la police et l’armée jouent leur rôle et vont jusqu’au dévouement pour l’assurer. Mais au-delà de la réponse sécuritaire, indispensable et nécessaire, combat-on politiquement l’idéologie islamiste sur notre territoire, dans nos banlieues ? L’a fait-on reculer dans les entreprises ? Lutte-t’on contre le clientélisme et le communautarisme ? Réagissons-nous face au noyautage ? Est-on clair face aux frères musulmans ? Continue-t’on à traiter avec les principaux financiers tant de l’islamisme que du terrorisme que sont l’Arabie Saoudite et le Qatar ? Tolérons-nous qu’un tyran en Turquie installe petit à petit une dictature islamiste aux portes de l’Europe ?
Nos élites ont-elles pris conscience que, si nous ne sommes pas en guerre, nous ne sommes plus en paix ?L’emprise islamiste, ce fond d’écran du terrorisme, n’est pas politiquement combattu et les Législatives qui s’annoncent voient les mêmes logiques clientélistes être à nouveau l’alpha et l’oméga de la conquête du pouvoir dans nombre de circonscriptions. Et ne parlons pas de l’élection présidentielle où, alors même que l’on sent venir l’orage, on nous propose de choisir entre des fleurs de serre qui ont pour la plupart fait leur carrière dans un environnement protégé même du réel et la représentante de la droite extrême…
Commémorer cela peut avoir du sens quand, au-delà du chagrin, on crée un chemin. Quand cela scelle un engagement, crée le rassemblement, nourrit la confiance… on en est bien loin: les plaques commémoratives le confirment qui veulent rendre hommage aux morts en évitant de mentionner la barbarie islamiste qui les a tués… Cette énième lâcheté aura été la conclusion d’une triste journée, qui nous promet une bien longue nuit…
Tribune parue le 14 novembre 2016 dans le Figarovox