« Nous avons encore de belles choses à apporter au monde, tout un patrimoine à faire partager et un monde commun à reconstruire. »

Attentat de Pittsburgh, la haine des juifs

Tribunes

A Pittsburgh, 11 personnes sont mortes simplement parce qu’elles étaient juives.

Elles ont été abattues par un suprémaciste blanc, un de ces identitaires qui pense que la couleur de peau dit tout d’un homme et que la race est la seule lecture possible des relations entre les hommes.

Dans cette haine des juifs qui nous explose au visage, dans le retour de cette barbarie atavique au coeur de notre civilisation, on retrouve des représentations du monde qui unissent dans le même lit les partisans d’extrême-droite de Trump, les amis de Judith Butler et les influenceurs frères musulmans notamment. Pour eux tout est race, tout est question de domination et les juifs sont pour les uns les assassins du Christ, menace larvée et permanente de la chrétienté, tandis que pour les autres, grâce à la falsification et à l’hysterisation du conflit israelo-palestinien, ils sont parfois présentés comme les nouveaux nazis, voire comme des blasphèmes humains souillant la terre d’Islam.

Le problème pour le peuple juif c’est qu’aujourd’hui seuls les « identitaires » -qu’ils appartiennent à l’extrême-droite raciste, à l’extrême-gauche racialiste (une façon d’assumer son racisme en évitant les procès), qu’ils soient suprémacistes blancs ou islamistes – font de la politique. Eux seuls essaient de conscientiser les masses, de former des minorités actives, eux seuls leur apportent une vision du monde et de l’avenir clé en main en leur fournissant un chemin pour réaliser les promesses dont ils leur farcissent le cerveau. Ce sont eux aujourd’hui qui occupent le terrain et qui transmettent leurs « valeurs ». Et parmi celles-là, la haine des juifs et leur éradication est un marronnier.

Ces adversaires politiques ne sont d’ailleurs pas des ennemis, plutôt des alliés objectifs. Ils ont la même vision de la bonne société : un regroupement sur des bases ethniques et un refus du métissage. Ils veulent un séparatisme strict et détestent l’idéal démocratique, autant par culte du chef que parce que l’égalité basée sur la reconnaissance de notre même dignité humaine les révulse. Aujourd’hui ils forgent plus les représentations que nos politiques mainstream qui ne disent rien du monde et n’ont rien à transmettre à personne et ce pour notre plus grand malheur.

En France, il y a une ligne qui va de De Benoist à Soral jusqu’à Dieudonné, Houria Bouteldja, Alain Gresh, le CCIF et toute la clique des islamistes et qui fait la jonction entre l’extrême-droite antisémite et l’extrême-gauche «antisioniste» (posture qui comme le racialisme permet d’être antisémite décomplexé sans avoir à l’assumer). Les uns étant les idiots utiles de l’autre et s’exploitant mutuellement : chez nous, plus le projet de contre-société porté par les racistes post coloniaux et les islamistes défait le monde commun et abime nos institutions, plus l’extrême-droite fascisante apparait comme un recours possible lors des élections. Suivant l’idée que rien ne vaut des méchants extrémistes pour en éradiquer d’autres, c’est dans toute l’Europe que les suprémacistes blancs gagnent des parts de marchés électoraux. Pendant ce temps, à coup de « mais en même temps », de « padamalgame », de refus d’agir et de réagir aux atteinte portées à notre contrat social, les partis traditionnels ou récemment créés comme En Marche apparaissent comme inutiles et incapables, en tout cas ne sont pas considérés comme capables d’éviter l’orage qui gronde et risque d’emporter ces valeurs humanistes et égalitaires qui ont construit nos démocraties.

Alors tandis que tombent les victimes de la barbarie moderne, il faut nous rappeler d’un chiffre : les juifs représentent moins de 1% de la population mais subissent quasiment la moitié des agressions à caractère raciste. Et ce n’est pas un hasard. Culturellement et cultuellement, dans certaines familles de pensée et dans certaines religions, cette haine est semée et entretenue, elle fait partie de l’éducation, de la construction d’un rapport au monde. Et ce triste constat est un échec démocratique patent.

Qu’après la shoah, on puisse voir revenir les mêmes idées qui ont fait 6 millions de mort dans les camps sans que cela ne suscite rien d’autre qu’une compassion rituelle et une émotion superficielle me rend malade. Et si vous voulez une seule preuve : alors que le fait est connu et reconnu, l’Education nationale ne fait rien dans les faits pour que les élèves juifs, chassés de l’école publique dans certains territoires, y retrouvent toute leur place. Elle a abandonné ce combat sans même avoir essayé de le mener.

Alors je suis triste pour les familles qui allaient à une fête et ont vécu un massacre, pour ce bébé dont la circoncision restera une tragédie et pour notre humanité qui n’a même pas l’air d’apprendre de ses crimes. « Plus jamais ça » a t’on dit, pensé, écrit. Qui aujourd’hui y croit encore ?