« Ensemençons les têtes avec les mots de l’émancipation plutôt que ceux de la soumission. »

Indignation à géométrie variable

Tribunes

De nombreux amis sont allés assister au procès intenté à Georges Bensoussan pour incitation à la haine raciale. Ils sont revenus choqués de cette audience. La phrase qui est reprochée à Georges Bensoussan  ; « lantisémitisme on le tête au lait de sa mère » pour maladroite qu’elle puisse être, se réfère à une interview de Smain Laacher, sociologue algérien dit dans le documentaire sur les territoires perdus de la république où il dit : « Cet antisémitisme, il est déposé dans lespace domestique. Il est quasi naturellement déposé sur la langue, dans la langue » (Smain Laacher, suite à la polémique déclenchée par ces propos avait porté plainte pour diffamation et déformation de ses propos, mais l’extrait du film étant explicite et clair, il a retiré sa plainte).

Outre que comme le remarque Martine Gozlan, dans un article remarquable dans Marianne, là où le sociologue n’est pas mis en cause pour ses propos, Georges Bensoussan, lui, est cloué au pilori, on n’a pas assisté à une discussion prenant en compte le fait que les propos étaient oraux, qu’ils étaient tiré d’une émission à dimension polémique, que s’ils méritaient d’être explicités et nuancés, ils ne valaient pas forcément procès mais à la mise en cause de l’honneur d’un homme.

Ces proches, présents à l’audience, ont tous souligné la qualité des interventions de la présidente du tribunal et l’agressivité comme le manque de nuance de la plaidoirie de la procureure. Mais surtout tous sont revenus avec le sentiment que le chantage islamiste, accusant tous les esprits libres de racisme, mettant la pression sur les associations antiracistes pour qu’elles intègrent la notion d’islamophobie (qui n’est autre que l’interdiction du blasphème), accusant toute personne d’origine arabo-musulmane dénonçant les ravages de cette idéologie politique, d’être traitre à sa communauté, faisait son chemin.

On en vient même au point où pour se rassurer sur ce que l’on est, on finit par accuser très facilement l’autre de raciste, moins pour lutter contre ce fléau, que pour se donner l’absolution de ne pas l’être soi-même, tant cette accusation est insupportable quand on croit à l’égalité des hommes et à l’inanité du concept de race. Mais tomber dans cette ornière est encore pire que le mal qui l’a creusé.

Ce qui a frappé une partie de l’assistance, c’était le sentiment que l’on jugeait moins les propos en cause, pourtant contestables par le fait même de leur généralité, que l’on n’instruisait le procès d’un homme en le réduisant à une phrase prononcée dans une émission, alors même que c’est l’intégralité de son travail intellectuel et de ses publications qui lui valent la haine du CCIF.

Car si c’est bien le parquet qui a poursuivi, la dénonciation émane du CCIF.

Georges Bensoussan n’a pas été ciblé au hasard, il vient de sortir un livre coup de poing, « Une France soumise » qui plus de 10 ans après « les territoires perdus de la République » montre que l’emprise de l’Islam politique s’étend dans les mentalités. Il devient donc urgent de le discréditer pour discréditer les témoignages de cette avancée.

N’oublions pas non plus qu’en exacerbant les tensions et en criminalisant tous ceux qui s’expriment sur ces sujets, non seulement on sème le trouble dans le camp laïque qui à force d’exigence de perfection de ses représentants finit par se désarmer voire à attaquer et dévorer ses propres enfants. Au point que l’on peut y voir une métaphore de la guerre d’Espagne ou à force d’exigence de pureté idéologique impossible à atteindre, les staliniens ont tranquillement fait le boulot des franquistes, épurant les rangs républicains jusqu’à la défaite, préférant livrer l’Espagne à la dictature que sauver la république.

Devenir par exigence de pureté et de perfection l’allié de ceux que l’on combat doit interpeller. La vie n’est pas manichéenne mais se retrouver aux côtés du CCIF et de Nacira Guenif dans un procès interrogeant la notion de racisme, cela pose quand même un peu question.

Enfin, la notion d’islamophobie, les attaques des intellectuels, la decrédibilisation des acteurs du monde républicain et laïque, le chantage à la trahison exercé sur les citoyens d’origine arabo-musulmane vise à figer une représentation du monde où l’antagonisme et la règle : il y a eux et nous, et si vous n’êtes pas avec nous, vous êtes avec eux et vous trahissez l’Islam et vos origines. C’est ainsi que l’islam politique utilise le conditionnement de la religion pour empêcher les individus d’exercer leur libre arbitre en les plaçant dans une alternative réductrice : la soumission ou la trahison. En essayant de définir le camp laïque comme l’ennemi d’une seule religion, il nie la réalité de la situation : les intégristes catholiques sont combattus politiquement et sans que cela pose de problème de conscience à qui que ce soit et je trouve cela très bien. Mais surtout, ce que les représentants de l’islam politique essaient d’effacer, c’est la réalité : l’offensive terroriste qui vise à déstabiliser notre pays par le sang mais aussi par la propagande idéologique, dont l’aboutissement est l’utilisation des libertés démocratiques pour en faire des armes de censure.

Ces conflits de loyauté, chauffés à blanc, ont pour but aussi de réagréger toute une communauté autour de valeurs qui l’empêchent de trouver sa place dans la société, il s’agit d’installer le séparatisme et l’idée que la fraternité républicaine ne peut exister, en tuant l’exigence qui la permet : le dépassement de ses identités secondaires (sexe, couleur de peau, appartenance religieuse, statut social…) pour devenir des citoyens égaux liés entre eux par les devoirs qu’ils partagent et les droits qu’ils acquièrent. Pour cela il faut rendre la liberté de parole et d’allégeance coûteuse et elle le sera d’autant plus si on laisse s’installer la représentation que là où l’allégeance à l’islam politique protège, vous intègre à un projet politique, religieux et culturel, le choix du combat républicain fait de vous une cible d’autant plus facile à atteindre que les snipers de votre propre camp peuvent faire le boulot avant même que vous n’ayez atteint la ligne de front.

C’est d’autant plus choquant que tandis qu’une phrase de Georges Bensoussan devient l’occasion d’une foire d’empoigne et d’une démonstration de vigilance des associations anti-raciste, le livre de Houria Bouteldja, égérie des indigènes de la République, véritable mine de la pensée raciste et séparatiste et ce dès le titre :  les blancs, les juifs et nous, n’a été attaqué par aucune grande conscience de l’antiracisme alors que cette femme a été invitée sur tous les plateaux de télé pour promouvoir un racisme décomplexé. Bref au terme de cette journée d’audience, c’est l’impression d’un immense gâchis qui domine.

Délibéré le 7 mars.

Tribune parue dans le Figarovox le 27 janvier 2016