« Exigeons de nos élus qu’ils fassent preuve de courage, qu’ils expriment et incarnent l’esprit de notre pays et de ses lois. »

Ce que je retiens de ce premier tour de la primaire de la droite

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François Fillon l’a donc emporté hier et avec une belle avance sur son concurrent Alain Juppé. Et tout le monde semble découvrir ce matin qu’il est libéral.

Et oui, la primaire de droite a désigné un homme de droite… Est-ce vraiment étonnant ? Je vais même vous donner un scoop : Alain Juppé aussi est libéral…

En attendant on a vu se répéter lors de cette primaire, un rejet de la classe politique et médiatique : les favoris de la presse et de l’establishment mordant douloureusement la poussière… On a vu s’exprimer la volonté des participants de déjouer les castings que veulent imposer les partis et ceux qui se croient encore les hommes forts de la politique, comme les pronostics des spécialistes. La dynamique Fillon s’est construite en 15 jours, et dans nos vieux pays démocratiques, de tels retournements de conjoncture sont rarissimes… Pour autant, elle ne s’est pas appuyée sur du vent. Tout le monde s’accorde à dire que des candidats de la primaire de la droite, il était celui qui avait le programme le plus abouti et le positionnement le plus clair sans être vu comme arrogant, bling bling ou agressif, et sans le manque de caractère que beaucoup reprochent maintenant à Alain Juppé.

Ce que l’on voit surtout c’est que nous avons changé de monde. Les vieilles règles qui assuraient la domination des apparatchiks qu’ils soient blanchis sous le harnais ou perdreau de l’année experts en vieilles recettes, ne fonctionnent plus. Il n’y a plus de prime à la légitimité (entendez ainsi que le pouvoir est un processus cumulatif et que plus vous en avez, plus vous êtes légitimes pour le capitaliser) empêchant l’irruption même à haut niveau de personnages atypiques ou apparaissant comme moins armés que leurs adversaires en terme de puissance au sein d’un parti. La dynamique Fillon parle aussi de cela : du moment où se cristallise l’idée que, pour ces primaires de droite, l’affrontement Sarkozy/Juppé n’est pas fatidique et du désir puissant, que cette possibilité de déjouer ce qui semblait acté, a fait naitre.

Le thème de l’identité heureuse a-t-il fini par faire penser qu’Alain Juppé n’était pas armé pour les temps difficiles qui nous attendent ?  Si l’identité heureuse est un but souhaitable dans le futur, elle est contradictoire avec le constat que nous faisons chacun à notre niveau d’une société divisée, qui se projette dans un monde instable et incertain et qui ne sait plus ce qu’elle doit transmettre à ses enfants.

Autour de moi, je n’entends qu’une seule chose de la part de nombre de parents, inquiets sur le monde dans lequel vont grandir leurs enfants: « Je ne sais pas quoi leur transmettre, car dans le monde violent qui se prépare, j’ai peur si je l’éduque bien, si je l’exhorte à partager les valeurs de respect, d’humanisme et d’acceptation de la règle commune, qu’il devienne une victime… » A la fin, ils continuent à transmettre les idéaux universels qu’ils partagent sur le fond, mais il faut entendre ce que signifie de telles paroles : la vision d’un monde en perdition que personnes ne se soucie de retenir dans sa marche vers l’abime.

Et dans ces questions sur la transmission qui sont portées de manière individuelles, c’est tout l’échec de la transmission collective et l’absence de vision partagée de notre avenir commun qui s’exprime. Et c’est chose grave à l’échelle d’une Nation.

Je ne doute pas qu’Alain Juppé l’ait compris mais l’appel à l’apaisement en donnant l’impression de sauter l’étape du constat douloureux et du combat à mener pour retrouver un rapport au monde rassurant, a fini par donner une sensation de décalage avec le réel.

C’est sans doute pour cela que le côté très régalien et conservateur de François Fillon a payé tandis qu’Alain Juppé a pu être jugé comme un peu mièvre et peu adapté à des temps que beaucoup de nos compatriotes anticipent comme nécessitant un vrai combat politique.

Pour autant, cette spectaculaire remontée d’un homme crédité il y a encore quelques temps de 10% des suffrages ne devrait pas réjouir François Hollande. Le succès des Primaires de la droite, l’impact qu’elles ont sur la gauche, le fait que la plupart des électeurs de gauche se soient interrogés sur leur participation… Tout cela montre à quel point tout le monde est déjà passé à la séquence d’après, l’éliminant alors qu’il est encore en poste car même pour le « peuple de gauche », qu’il soit allé voter ou non, le vainqueur de la Primaire de droite est vu comme le prochain président de la République. C’est dire quand-même dans quelle impasse démocratique nous nous trouvons.