« Nous avons encore de belles choses à apporter au monde, tout un patrimoine à faire partager et un monde commun à reconstruire. »

Binationalité, un débat politique légitime

Tribunes

En France, la proposition d’interdire la binationalité pour l’occupation des postes de représentation politiques ou certains postes stratégiques fait scandale. Pourtant cette proposition est tout à fait cohérente et est loin d’être un marqueur de xénophobie. Elle est au contraire liée à une haute idée des exigences de la démocratie et du devoir du citoyen.

D’ailleurs, nombre de démocraties interdisent ou limitent la double nationalité. C’est le cas de l’Ukraine, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Estonie, la Bulgarie, l’Espagne, la Norvège, la Lettonie et la Lituanie, l’Allemagne…

Ces interdictions ou limitations ne sont pas la marque de la xénophobie mais une exigence de clarté dans l’engagement citoyen. Être français ce n’est pas une créance permettant de tirer des avantages financiers et sociaux de sa nationalité. La citoyenneté est en Occident un engagement civilisationnel.

Nos appartenances ne sont pas basées sur la religion ou l’ethnie mais sur le partage de principes et idéaux qui se traduisent en droit. Ces principes et idéaux sont l’armature de notre société et ils se traduisent très concrètement : c’est l’affirmation de l’égalité en droit au-delà des différences de sexe, race, religion ou philosophie, c’est la defense des libertés publiques, c’est la laïcité.

Être citoyen c’est adhérer à ces principes et travailler à leur effectivité et à leur garantie.

Le peut-on quand la double nationalité vous amène à appartenir à des sphères politiques dont les valeurs sont frontalement opposées ? 

Autre point, que se passe-t-il en cas de guerre quand vous appartenez à deux univers qui s’affrontent ? Où va votre loyauté ? A qui et à quoi êtes-vous fidèles ? Quels principes et idéaux allez-vous servir ? Qui allez-vous protéger, pour qui irez-vous combattre ? 

Dans le premier cas, que défend quelqu’un qui est binational et appartient à un pays européen et à un pays musulman par exemple ? Dans ces pays, l’égalité en droit n’existe pas, elle est refusée à raison du sexe (infériorisation des femmes) et de la religion (statut de sous-citoyen via la dhimmisation). Cette personne croit-elle en l’égalité entre les êtres humains ou est-elle favorable à la domination d’un sexe sur l’autre ? Portera-t-elle haut les libertés publiques ou les sapera-t-elle pour faire prévaloir son dogme religieux ? Que défendra-t-elle si elle arrive au pouvoir ? 

La question n’est pas absurde. En Belgique où les islamistes ont infiltré les partis politiques de gauche, des coups sont portés contre l’État de droit pour favoriser la logique de la charia, ces nouveaux élus n’ayant aucun lien avec la culture démocratique et servant l’idéologie islamiste. Là l’entrisme est manifeste, mais il n’en reste pas moins qu’une personne ayant fait allégeance à des systèmes contradictoires et opposés ne puisse incarner l’intérêt général : elle n’est pas claire dans son système de valeurs, ambigüe dans ses engagements, en contradiction flagrante dans ses allégeances, elle ne peut donc représenter personne.

Lorsque les systèmes convergent et que les principes et idéaux organisant les sociétés se rapprochent, la double appartenance est possible. Mais l’évolution du monde va dans le sens inverse : la logique impérialiste se réveille et la conquête territoriale revient. Le totalitarisme islamiste remet au goût du jour les massacres de masse et les tentatives de déstabilisation des démocraties. Guerre et terrorisme reviennent en Europe. Dans ce cadre, on ne voit guère comment continuer à faire semblant de croire que la double nationalité n’est pas un problème. Surtout quand les tensions s’accroissent tandis que les antagonismes montent.

Prenons un cas très concret : l’Algérie. Le pays cultive la haine de la France chez ses ressortissants. C’est même un mode de gestion de sa vie politique intérieure. La France est accusée de tous les maux afin de faire oublier la corruption et l’incapacité des élites algériennes et leur échec à développer un pays pourtant plein d’atouts. Dans le même temps, chez beaucoup de ressortissants maghrébins, la France est dénigrée et « Français » est même devenu une insulte dans les quartiers islamisés. En parallèle, l’appartenance aux origines est exaltée.

A qui ira dans ce cadre la fidélité d’un franco-algérien en cas de crise ou d’affrontement ? Comment donner un pouvoir de représentation à des personnes qui pourraient très vite se retrouver en conflit de loyauté au mieux, incapables d’incarner les fondamentaux de ce que nous sommes en tant que peuple au pire ? 

Ces questions ne sont pas anecdotiques, elles sont au coeur de nos sociétés politiques. Les traiter par le sentimentalisme, en mode « on me demande de choisir, donc je me sens rejetée dans mon être intime » relève de la victimisation simplette. Les évacuer car elles seraient « amorales » ou « racistes » relève de la manipulation pure.

Le débat sur la limitation de la double nationalité est un débat de fond, légitime et il mérite d’être posé.

Céline Pina