« Nos idéaux humanistes sont beaux, soyons-en fiers et remettons à leur place ceux qui n’ont que la domination comme façon d’être au monde. »

Gilets jaunes : la tentation de la délégitimation

Tribunes

Ma réaction à propos du mouvement du 17 novembre et des accusations portées par le gouvernement l’assimilant à l’extrême-droite.

Extrême-droite, la nouvelle martingale du gouvernement :

Je me souviens d’un voyage que mes parents firent en Bulgarie dans les années 80, à l’époque où les dictatures communistes paraissaient inamovibles. Ils avaient été frappés par la recurrence dans l’espace public, sur les routes, bref partout, des affiches alertant sur le risque du nazisme et du retour des hommes d’Hitler. Cette omnipresence d’un danger qui n’existait alors plus et depuis belle lurette parlait surtout de l’échec de ces regimes autoritaires et de leur incapacité à faire sens. Il ne leur restait plus que l’exploitation d’une menace nazie éteinte pour prévenir et empêcher toute contestation : on ne revendique pas quand l’ennemi est à la porte, voire est intérieur, et surtout on ne critique pas son gouvernement ! 

Je n’aurai pourtant jamais cru qu’un gouvernement démocratique utiliserait le même type de mensonge pour délégitimer un mouvement social, pas forcément très organisé, mais qui traduit bien l’immense ras-le-bol du pays.

Et que voit-on en face ? Un pouvoir plus empressé à dénigrer, à mépriser, à humilier qu’à simplement entendre.

Quand le mouvement semblait facile à dédaigner, il fut qualifié de jacquerie, ou de poujadisme. Un truc de paysans et de petits commerçants, aigris, forcément aigris. Des laissés-pour-compte hargneux qui ne comprennent rien à la mondialisation et à la rationalisation et dont l’utilité sociale est marginale.

Mais le mouvement a grossi, il a eu de l’impact jusque chez ceux qui ne votaient plus. Parce qu’il devenait populaire, il fallait le disqualifier. Alors le gouvernement commença à le qualifier de populiste. Entendez qu’il ne saurait concerner que des gueux marginalisés et stupidement opposés aux reformes pensées pour les premiers de cordée (vous savez ce qui font le monde et traînent le boulet de « ceux qui ne sont riens »). Comme cela ne suffisait pas, les derniers scrupules tombèrent : finalement autant y aller allègrement et traiter les gilets jaunes d’extrémistes de droite, de fachos en fait.

Peu importe de quoi ils sont le révélateur. Peu importe ce qu’ils sont, ce qu’ils disent, de quelle réalité ils témoignent, faute de réponse politique et faute d’intérêt pour ce qu’ils sont, le gouvernement choisit de les salir et utilise le mensonge pour ce faire. C’est à la fois injuste et indigne.

Indigne d’une démocratie et indigne d’un président.

Le pire c’est que les statistiques confirment le sentiment d’injustice qui est le fil rouge de ce mouvement : l’explosion des inégalités. Une pente que la politique d’Emmanuel Macron (comme celle de ses prédécesseurs) a encore accentuée. Président des très riches n’était pas qu’une boutade et à voir le mépris de classe et les mensonges déversés sur le mouvement du 17 novembre, ce choix de gouvernance n’est pas prêt de s’inverser.

Si au moins la protestation de ceux que ce pouvoir méprise tant, à défaut d’être entendue, pouvait s’exprimer sans être salie et délégitimée, la démocratie y gagnerait.