« Il nous faut plus que jamais faire le choix de l’humanisme. »

Maggy Biskupski s’est suicidée

Tribunes
Maggy Biskupski était le symbole du mal-être des policiers. Elle avait 36 ans et s’est suicidée hier, veille du 13 novembre.
 
C’est elle que Yann Moix, l’écrivain et chroniqueur de l’émission Salut les Terriens ! sur C8, avait prise à partie, accusant les policiers de « se victimiser » et « de chier dans leur froc » face à l’insécurité, « n’ayant pas les couilles d’aller dans les endroits dangereux. »
L’« intellectuel » avait alors fait preuve autant de manque de discernement que d’absence de sensibilité comme de décence et c’est la jeune femme qui avait montré où se trouve la véritable intelligence en répondant plus tard à la provocation gratuite du chroniqueur : « La peur est une force, ne pas avoir peur serait un danger pour tous les policiers. Si vous n’avez plus peur, vous êtes un danger ».
 
Cet échange est révélateur pour ce qu’il dit des fractures de la société, entre le petit monde de l’entre-soi, qui se résume à quelques arrondissements dans Paris et qui n’a de cesse de faire la leçon à des citoyens ou à des fonctionnaires en première ligne face aux réalités que vit ou que subit maintenant la majeure partie du pays. Savez-vous qu’il y a des policiers qui demandent à leurs enfants d’écrire « fonctionnaire » sur leur fiche à l’école lorsqu’il faut qualifier le métier des parents ? Ils ont peur que, si les autres élèves apprennent leur métier, leur enfant subisse des représailles, soit ostracisé ou insulté (cf post de Naomi Hal)
 
Le mépris de classe affiché par une certaine élite pour ceux qui sont les piliers de la société (policiers, instituteurs, personnel hospitalier) associé au durcissement de leurs conditions de travail, au manque de reconnaissance et à la minceur des rémunérations est en train d’abîmer notre contrat social et de détruire l’attractivité de ces métiers pourtant indispensables en démocratie. Or ce mépris que l’on retrouve dans le fait de traiter de beaufs et d’extrémistes tous ceux qui n’ont pas la chance d’être au sommet de la chaîne alimentaire et vivent en direct les soubresauts du monde et ses répercussions suscite de plus en plus de rejet. Les signaux sont là, ils clignotent de plus en plus fort mais ne semblent jamais attirer l’attention du conducteur.
 
Du mal être des policiers à l’explosion du hashtag #PasdeVague sur les réseaux sociaux, révélant le malaise des enseignants, les violence qu’ils subissent et dénonçant le manque de soutien de leur hiérarchie, jusqu’au mouvement des gilets jaunes, qui au-delà de la protestation, souligne les difficultés de plus en plus grandissantes des citoyens, on sent que la société se délite. Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, mais ses princes ont les narines bouchées et les yeux clos.
 
NB : Au vu de certains commentaires sur ma page Facebook, je voulais apporter une précision : Yann Moix n’est pas responsable de la mort de cette jeune femme, il est juste dans cette séquence de « Salut les terriens », le révélateur de la fracture entre les élites mainstream et le peuple. Sa sortie est choquante, mais s’il était seul à fonctionner ainsi, cela n’aurait pas d’importance. c’est l’inscription du mépris de classe comme figure de rhétorique politique qui est dangereux car d’une violence symbolique réelle.