« Nous ne sommes pas condamnés à manger des briques parce que nos dirigeants vont dans le mur »

Les yeux grand ouverts de Kamel Daoud

Tribunes
Kamel Daoud magistral (1) une fois de plus quand il interpelle le monde musulman sur son silence face à la situation d’Asia Bibi, cette femme condamnée à mort pour avoir voulu partager un verre d’eau avec ses voisins musulmans.
 
il dénonce un régime pakistanais obligé de négocier avec ses propres barbares et les meurtres qui ont frappé les soutiens d’Asia Bibi.
 
Magistral aussi dans sa dénonciation de l’afghanisation de l’Algérie et de la montée des islamistes qui contrôlent la rue tandis que les clans au pouvoir s’isolent sur leurs revenus off shore pour mieux en jouir. Magistral enfin dans sa description du refus de l’altérité dans un monde musulman qui se radicalise et où la différence de religion devient prétexte à déshumanisation, où le délit de blasphème tend à se transformer, le meurtre de celui qui est différent en acte légitime voire sanctifié.
 
Une tendance que l’on retrouve à l’oeuvre jusque chez nous car elle est portée par cette propagande islamiste, qui s’appuie sur les schémas patriarcaux et religieux qui structurent cette communauté pour en faire des frontières identitaires indépassables et des lignes de fracture avec les sociétés démocratiques. Ces schémas sont en effet incompatibles avec le concept d’égalité qui structure notre lien à la Nation et notre quête d’universalité.
 
C’est dans ce constat que les réticences à condamner le massacre de Charlie prennent tout leur sens, les « oui mais » expriment une gêne profonde et une rupture réelle dans le contrat social : sur notre sol une partie de la population, loin d’être majoritaire mais pas si négligeable non plus, est prête à accepter la légitimité des assassinats politiques pour peu que l’on critique sa religion. C’est un échec en terme de civilisation et une régression politique effrayante. Pourtant elle passe crème. Curieux.
 
Kamel Daoud, lui, a les yeux grand ouverts. Il nous parle d’un monde qui glisse doucement vers le règne des barbares. Un monde de l’autre côté de la Méditerranée mais pas si éloigné du nôtre.
 
Car nous ne sommes pas en reste. Le monde anglo-saxon pour avoir choisi le multiculturalisme, se trouve aussi à négocier avec ses propres barbares et a refusé d’accueillir Asia Bibi par peur des réactions des islamistes présents sur son sol. C’est clairement dire que la raison du plus fort et du plus extrémiste est toujours la meilleure. Entre la protection du faible et la soumission à la barbarie, Londres a choisi.
 
Mais que reste-t’il de nos droits de l’homme si à la fin le droit n’est qu’une question de rapport de force entre les communautés et de capacité à agresser et à tuer. La démocratie c’est la quête de la justice, pas la prime à la violence. Si nos gouvernements l’oublient, alors nous en payerons tous le prix. Enfin pas tous. Ceux qui nous auront mis dans cette situation auront, eux, les moyens matériels, financiers et relationnels d’y échapper. Entre loups, on peut toujours s’entendre.
 
Une seule lueur d’espoir : la France, elle, a accepté d’accorder l’asile à Asia Bibi. Une décision qui nous honore collectivement et honore notre Président. Une décision encore possible à prendre mais qui deviendra peut être impossible si par naïveté et refus d’entendre les spécialistes de la question, on crée un Islam de France qui à l’heure actuelle ne pourra être qu’un happening islamiste.
 
Le fait que Londres ne puisse même plus accueillir une chrétienne persécutée, parce qu’elle craint les représailles sur son sol d’une communauté radicalisée devrait nous interpeller sur la capacité de l’Europe à continuer à faire vivre cette civilisation humaniste qui nous a apporté 70 ans de paix.
 
Ce n’est pas en refusant de regarder ce qui se passe dans les pays arabes et surtout en refusant de voir que les mêmes forces de déstabilisation à l’oeuvre au proche et moyen-orient sont aussi chez nous, que l’on pourra agir efficacement pour empêcher une balkanisation de nos sociétés. Balkanisation qui augurerait une ère qui ne pourrait être que de violence et dont l’issue serait dramatique.
 
Car les sociétés où l’Islam est religion d’Etat ne sont pas désirables, avant même d’être islamiste et leur population migre faute d’espoir et d’avenir. Hélas elle ne comprend pas qu’elle est moins victime de dirigeants corrompus que d’une organisation politique et religieuse sclérosée et sclérosante, qui faute d’ambition collective se réduit à une quête d’enrichissement individuel, où on est puissant quand on peut abuser de sa force et non parce qu’on est dans la maîtrise, l’échange et la construction. Pour les démocrates, un homme ça s’empêche car l’essentiel est de trouver un terrain d’entente partagé, quand pour les islamistes et les sociétés patriarcales, un homme ça domine, ça jouit de sa domination et ça contrôle un territoire. Les deux logiques ne sont pas compatibles et nous avons payé cher au XXème siècle pour savoir que la seconde sème la désolation et la mort.