Après « les blancs, les juifs et nous » de l’inénarrable Houria Bouteldja, voilà un nouvel opus à caractère racialiste, celui de Lilian Thuram, plus sobrement intitulé « la pensée blanche ».
Un ouvrage racialiste est un livre qui possède une dimension raciste, mais qu’il ne faut surtout pas dénoncer car il s’agit là du « bon racisme ». Certes il renvoie tout le monde à sa couleur de peau et présuppose une mentalité et une culture commune attachée à la « race », mais c’est in fine pour le bien de tous. En effet le racialiste dit vouloir créer un monde où l’opprimé (à priori le « Noir » selon la grille de lecture racialiste) tente de rééduquer le « Blanc », malgré tous ses crimes car celui-ci n’est pas forcément méchant en soi : il peut devenir « Noir », autrement dit choisir des débarrasser de la pensée blanche pour réaccéder à l’humanité (d’où le « on ne naît pas Blanc mais on le devient » sur le bandeau du livre, ce qui signifie qu’on pourrait aussi ne pas le devenir…). Le problème du « Blanc » selon ce qu’en dit l’auteur, c’est qu’il ne comprend pas sa violence et son caractère oppressant et destructeur, car elle lui est consubstantielle. Il est à la fois coupable et aveugle.
Voilà ce que nous dit la 4ème de couverture : » j’essaie de décrypter la manière dont la supériorité blanche s’est enracinée dans les esprits au fil des siècles, au point de sembler « aller de soi » encore aujourd’hui. C’est cela, la pensée blanche : je parle, je signifie aux autres ce qu’ils doivent être, mais personne n’est autorisé à parler de moi. » L’affirmation est aussi péremptoire qu’elle n’est pas argumentée, mais il faut dire que quand on compte instrumentaliser l’histoire pour en faire un dossier d’accusation, pourquoi se soucier d’honnêteté intellectuelle et de nuance.
Finalement, au lieu de nous interroger sur une identité blanche indépassable et de prêter à la notion de couleur de peau, une façon d’être, de sentir et de penser particulière et non partageable, la plus grande partie de l’Europe des Lumières a préféré réfléchir à ce qui faisait de nous des êtres humains. A ce qui nous rassemble au-delà des différences visibles. La fait que nous soyons des êtres à la fois dotés de créativité, détenteurs de raison et capables de déterminer eux-mêmes les principes, idéaux et lois qui les unissent leur a paru bien plus importants que l’intensité de la coloration de notre peau. Au fur et à mesure que son humanisme et ses connaissances grandissaient, l’Europe des Lumières s’est rendue compte que la couleur de la peau ne disait rien de la qualité d’un homme et encore moins de sa pensée. Et elle l’a traduite dans son modèle de société en postulant l’égalité en droit de tous, au-delà du sexe, de l’origine, de la couleur de peau, de la religion ou de son absence, du statut social…
L’égalité ce n’est pas la négation des différences mais leur dépassement. Là on est contraire dans l’extension du domaine de la race sous couvert de sociologie : chacun dans les faits est renvoyé à sa couleur de peau et celle-ci dit si vous êtes du bon ou du mauvais côté de l’humanité. Mais là où l’on atteint le comble de l’hypocrisie c’est que, selon le racialiste, tout cela a en fait pour but de faire humanité commune. Il suffit simplement que les bourreaux acceptent de se reconnaître comme tels et acceptent leur punition en renonçant à leur « culture ». Qui n’en est pas une puisqu’elle est synonyme d’oppression.
Et voilà la vision raciste qui passe de la stigmatisation du « Blanc » en tant que personne au rejet de l’histoire et de la civilisation européenne. Or ce n’est pas en noyant des présupposés racistes sous la guimauve de bons sentiments affichés que le problème pourra se résoudre.
La « pensée blanche » n’existe pas. Pas plus que la « pensée noire » d’ailleurs. En revanche en créer une représentation, pour exciter la haine du Blanc chez des populations qui ne se construisent que dans la victimisation, est aujourd’hui très à la mode. Cela permet de construire une « révolte noire » qui justifie tous les excès au nom de sa souffrance et suspend tout jugement sur elle-même car si elle ne fait que poser des lignes d’affrontement et exciter les rancoeurs, c’est soi disant pour semer l’amour universel :
Voilà ce que nous dit à ce sujet l’auteur de la pensée blanche :
« Mon rêve est que nous soyons capables d’affronter les problèmes sans préjugés, comme des femmes et des hommes qui descendent tous du même ancêtre. Ce livre entend participer à sa manière à la libération des esprits pour que nous puissions un jour dépasser les couleurs de peau, pour finir par nous considérer comme ce que nous sommes : des êtres humains. »
Pas sûr que ce soit en assignant à résidence identitaire tous les « Blancs » que ce chemin va se dessiner. Le titre du livre contredit d’ailleurs parfaitement cette intention, il essentialise ce qui est la part de liberté de toute société et de tout individu : sa pensée. Quant à utiliser l’histoire comme enquête à charge, le risque est de répéter les mensonges de la propagande indigéniste plutôt que les vérités désagréables dont témoignent les vrais historiens de la traite esclavagiste avec l’existence de trois traites, une commise par les noirs sur les noirs, une par les arabo-musulmans sur les noirs et l’autre par les blancs. Mais surtout l’histoire est plus contrastée.
Le projet de Lilian Thuram est clair : « Ce livre revisite tout d’abord certains pans de l’histoire : les conquêtes coloniales, l’esclavage, les empires, le Code Noir, l’instrumentalisation de la science et de la religion, la post-décolonisation et le pillage des ressources naturelles, le vol du patrimoine africain… » Mais rien sur le fait que ce sont les européens qui ont pensé la fin de l’esclavage au nom de la reconnaissance de l’égale dignité humaine des hommes, la liberté de conscience au nom du refus du surplomb religieux, qui ont pensé la démocratie au nom de la souveraineté du peuple. Rien non plus sur le fait qu’aujourd’hui si l’Afrique est souveraine, elle se fait piller par les siens et se ruine à cause de structures de pouvoir et une organisation sociale stérilisante. Et si tout n’était pas toujours la faute de l’Autre ? du Blanc ? Et si chercher éternellement des coupables plutôt que de construire des solutions et d’éduquer sa population expliquait aussi que l’Afrique, continent jeune et riche, est incapable de se développer et de nourrir ses enfants.
En attendant avec ce livre, on touche le fond, voilà maintenant que l’on essentialise la pensée en fonction de la couleur de la peau. Décidément en matière de régression intellectuelle et morale, la mouvance indigéniste et les enfants gâtés dont elle fait ses alliés ne déçoivent jamais.