« Ensemençons les têtes avec les mots de l’émancipation plutôt que ceux de la soumission. »

Une journée particulière chez Decathlon

Tribunes

L’histoire commence quand l’enseigne Decathlon décide de commercialiser un « hijab de running », un voile islamique pour la pratique sportive, « conçu pour les coureuses qui souhaitent se couvrir la tête et le cou pendant sa course ». Ainsi, après H&amp ; M, Nike et Gap, Decathlon propose donc aux femmes la possibilité de faire du sport, voilées. Or, commercialiser un signe religieux comme si c’était un simple vêtement n’est pas anodin dans un pays laïque. C’est prendre sa part de la pression sociale, politique et religieuse que subissent les femmes dans certains quartiers, c’est se faire les équipementiers du sexisme ordinaire pour qui la femme, trop impure, n’est jamais trop dissimulée. Le faire par âpreté au gain est un grand classique et les marques qui tentent de nous manipuler à coup de valeurs et d’engagements n’ont jamais fait qu’instrumentaliser des postures faussement morales pour en retirer des bénéfices bien concrets. Se faire de l’argent en diffusant un signe témoignant du refus d’accorder l’égalité aux femmes en raison de leur impureté, il fallait déjà oser. Le faire en prétendant vouloir les aider, c’est pousser loin le cynisme. Décathlon l’a fait.

Il faut dire que le voile n’est pas un vêtement comme un autre. A ceux qui disent le contraire, essayez donc de porter le hijab un jour et de l’enlever le lendemain et vous verrez si le hijab a le même statut qu’une robe ou qu’un pantalon. Le hijab est un signe religieux qui a une signification : Il assigne les femmes à l’effacement et est la marque du refus de l’égalité des sexes. De nombreuses associations (Viv(r)e la République, Comité Laïcité République, Les Vigilantes, Comité 1905) et de nombreux politiques (Lydia Guirous, Aurore Bergé, Gérard Larcher, François bayrou, Nicolas Dupont-Aignan, Agnès Buzyn…) se sont indignés. Il n’y a que la LFI et le PS qui sont restés d’une modestie de violette sur ces sujets quand ils n’ont pas déploré, comme Thomas Guénolé (LFI), des polémiques stériles.

Pourtant, il a été rappelé à cette occasion à la marque française que de nombreuses femmes et jeunes filles sont mortes ou ont été défigurées à l’acide pour avoir refusé de porter ou avoir ôté leur voile, et que de nombreuses femmes se battent dans le monde entier pour leur liberté. Liberté qui passe pour elles par le refus du voile. En commercialisant cet hidjab de running, Decathlon choisit donc de bafouer la liberté des femmes pour mieux plaire aux plus obscurantistes des hommes. Pire même, il popularise un marqueur islamiste en le faisant passer pour une demande des musulmans, réalisant ainsi l’amalgame entre les musulmanes et des pratiquantes rigoristes ou radicalisées.

Pendant un temps, Decathlon va contre-attaquer en essayant de rejeter la faute d’abord sur les internautes qui l’interpellent à qui ses modérateurs conseillent de « tempérer (leurs) propos et d’éviter certaines comparaisons douteuses ». Sortir l’arme du racisme pourfaire taire ceux qui vous mettent face à vos responsabilités est tentant et a souvent réussi, mais cette fois-ci, cela ne va pas marcher et cette défense ne va pas trouver de relais. Alors, droit dans ses bottes, le responsable de la communication tente une dernière fois de faire passer l’avidité sans discernement pour un engagement : « Nous assumons complètement le choix de rendre le sport accessible pour toutes les femmes dans le monde. C’est presque un engagement sociétal, si cela permet à des coureuses de pratiquer la course à pied, nous l’assumons avec sérénité ».

Le sexisme vu comme un engagement sociétal, c’est un concept intéressant. En plus il est déclinable dans toutes les abominations : racisme, esclavage, terrorisme. Cela en fait des nouveaux marchés possibles  ! Ainsi, pour les femmes tuées pour avoir refusé de porter le voile, Décathlon pourrait se lancer dans la production de linceul-burqa. Le jour où un pays rétablit l’apartheid, Décathlon pourrait se diversifier dans la production de barrières séparant les blancs des noirs. Si un jour l’esclavage est rétabli, nul doute que grâce à son engagement sociétal, il va se lancer dans la production de chaînes hypoallergéniques. Ceci dit il prend du retard par rapport à l’évolution du monde : à quand un ensemble tee-shirt/pantalon adaptés au maniement du sabre de décapitation ? Ou un kit lapidation avec des cailloux bien calibrés et faciles à prendre en main  ? 

Je comprends que les « responsables » de la marque s’étranglent à cette lecture et trouvent les comparaisons choquantes. Pourtant refuser de donner les mêmes droits aux femmes qu’aux hommes est encore plus choquant et cela ne les dérange pas. Ils ne voient le problème que si on passe par la comparaison avec le racisme. Et encore, ce n’est pas une prise de conscience qui a fait reculer Decathlon, il ne faut pas rêver non plus, mais bien la mobilisation de presque toute la classe politique et des réseaux sociaux. Xavier Rivoire a du ainsi revenir en fin d’après-midi, dire le contraire de ce qu’il affirmait le matin «Nous prenons effectivement décision, en toute responsabilité, en ce mardi soir de ne pas commercialiser à l’heure qu’il est ce produit en France.». Un «  à l’heure qu’il est » qui veut tout dire…

Ce que cette affaire a montré, c’est que le sport, outil d’émancipation universel, ne doit pas se voir utilisé à des fins d’assignation identitaire et religieuse. Qu’une marque aussi populaire que Decathlon s’engouffre dans la mode islamique est affligeant, cela revient à promouvoir le sexisme en ayant l’obscénité de le rebaptiser tolérance. Mais ce que nous avons aussi découvert à cette occasion, c’est que si les tentatives des islamistes (et peut-être leurs énormes moyens) peuvent amener des marques à soutenir et diffuser les symboles de leur idéologie, il suffit que la mobilisation des réseaux sociaux rejoigne celle des politiques pour que reculent les provocations gratuites et les atteintes à nos lois et nos mœurs. Cela montre que le courage et le sens des responsabilités permettent d’agir. Cela montre que si la pression islamiste ne se relâche jamais, la combattre n’est pas si difficile. Ils ne sont grands que parce qu’une partie de nos élites est à genoux, qu’elles se relèvent et le reflux ne tardera pas.