« Exigeons de nos élus qu’ils fassent preuve de courage, qu’ils expriment et incarnent l’esprit de notre pays et de ses lois. »

Comme toutes les religions, soumettre l’Islam à la critique

Tribunes

Zineb El Rhazoui se fait attaquer violemment sur twitter parce qu’elle dit la vérité : on ne déradicalisera pas des fanatiques en leur expliquant que l’Islam est une religion de paix et d’amour.

D’abord et avant tout parce que cette affirmation est démentie par les faits, mais surtout parce que cette périphrase est un moyen d’empêcher toute critique de l’Islam, donc toute possibilité d’évolution. En voulant rendre l’Islam impossible à critiquer, elle participe de la puissance des islamistes et valide leur propagande.

Zineb a donc parfaitement raison quand elle dit que l’Islam doit être soumis à la critique, comme toutes les religions s’il veut accéder au temps des Lumières. Cette critique, la tradition judeo-chrétienne a fini par l’accepter, non sans mal. Grâce à Spinoza notamment. Lequel a réfuté la thèse d’une Bible consignant la parole de Dieu.

En adoptant une méthode rationnelle de décryptage du livre considéré comme saint, Spinoza démystifie un certain nombre d’éléments fondamentaux constitutifs des religions judéo-chrétiennes (mais aussi de l’Islam). Sa thèse centrale, qui provoque le scandale auprès des Églises, c’est que le texte de la Bible n’a pas pour vocation de nous instruire de la vérité des choses ; la vérité qu’elle nous livre n’est pas d’ordre théorique mais d’ordre pratique. La religion n’a rien à voir avec la quête de la vérité ou de la connaissance, mais elle a une portée morale incontournable, grâce à son pouvoir coercitif et peut ainsi réguler les appétits et pulsions des humains : « Une fois établis les fondements de la foi, je conclus enfin que la connaissance révélée n’a pas d’autre objet que l’obéissance et qu’elle se distingue donc de la connaissance naturelle par son objet comme par ses fondements et ses moyens ; qu’elle n’a ainsi rien de commun avec elle, mais que chacun occupe son domaine sans s’opposer à l’autre et sans devoir la servir. » (ici la connaissance naturelle c’est le savoir acquis par l’usage de la raison).

On est alors au XVIIème siècle et le refus de croire en la « révélation » que prétend détenir le texte religieux et le fait d’oser soumettre la Bible à un regard analytique est un coup de tonnerre. Mais il fut fécond, il donna les Lumières et le bel idéal laïque, la démocratie et l’idée d’égalité entre les hommes, le libre arbitre et la responsabilité, son corollaire.

Ibn Warraq ne pense pas différemment quand il écrit : « Le plus nocif des legs de Muhammad est peut-être d’avoir soutenu que le Coran est la parole même de Dieu, vraie à jamais, faisant ainsi obstacle à tout progrès intellectuel et oblitérant tout espoir de liberté de pensée qui seuls permettraient à l’islam d’entrer dans le XXIe siècle. ».

En appelant à ce que les textes religieux soient soumis à la critique, c’est aux Lumières pour le monde arabe que Zineb El Rhazoui appelle. Et au vu de l’absence de démocratie, des inégalités, de la misère sociale, économique, éducative et sexuelle de cette partie du monde, changer une soumission infantile à un texte présenté comme « révélé», en rapport interrogatif et critique envers sa propre tradition, c’est accéder à la responsabilité et à la possibilité d’agir sur le monde. C’est quitter le domaine de la bête, que l’on soumet car elle n’est que pulsion pour accéder à la véritable humanité, celle qui a accès au libre arbitre et est comptable des conséquences de ses actes.

Cela n’empêche pas la foi mais permet la spiritualité. La soumission elle ne permet que l’orthopraxie, croyance infantile : si je fais tout comme il faut, papa-Dieu va me récompenser. Un comportement qui ne permet pas de se développer individuellement comme collectivement et explique peut-être que des pays dont les richesses sont significatives n’accèdent qu’à un développement et une éducation limitée.

Alors non seulement Zineb a raison, mais ceux qui l’insultent devrait s’interroger. Et si en les mettant en face de la réalité, elle n’essayait pas de leur rendre service ? Si leur bigoterie n’était qu’une façon de fuir leurs responsabilités et de refuser de devenir adulte, d’accepter leur responsabilité d’êtres libres, créateurs et créatifs.